vendredi 3 mai 2013

Migrant, aide toi-même ton pauvre pays: les pays riches sont fauchés




Au lieu de mal payer et mal loger des travailleurs venus de pays pauvres et mal équipés, ne vaudrait-il pas mieux aider au développement de leurs pays, ce qui permettrait, en plus, de ne plus les avoir sous les yeux? Mauvaise idée: les transferts individuels de fonds surpassent très largement les aides publiques au développement.
Mieux encore: avec "la crise", l'aide des pays riches aux pays pauvres diminue, tandis que les transferts de fonds des migrants vers leurs pays respectifs augmentent!
L'OCDE publie chaque année les montants de l'aide publique au développement. Pour 2012, le niveau global des aides a atteint environ 100 milliards d'euros, en baisse de 4% par rapport à 2011 (-1,6% pour la France, avec un peu moins de 10 milliards d'euros), cumulant une baisse globale de 6% depuis 2010, année où l'aide publique au développement a atteint son maximum. La France, avec le Royaume Uni, l'Allemagne et le Japon, reste parmi les quatre plus gros contributeurs, loin derrière les Etats-Unis. Sa place en termes de pourcentage de revenu national brut (0,45%) ne la place qu'en onzième position. Selon l'OCDE, "On observe en outre un redéploiement notable de l'aide des pays les plus pauvres vers les pays à revenu intermédiaire".
Pour la Banque Mondiale, qui évalue de son côté le niveau des envois de fonds des travailleurs émigrés vers les pays en développement, ce dernier est estimé à 330 milliards d'euros en 2012, soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2011. "Bien que les travailleurs migrants subissent, dans une large mesure, les effets du ralentissement de la croissance de l’économie mondiale, les envois de fonds ont étonnamment bien résisté en volume et constituent non seulement un moyen de subsistance essentiel pour les familles pauvres mais aussi une source fiable de devises pour de nombreux pays à faible revenu figurant parmi les destinataires de ces envois", déclare le directeur du groupe Perspectives de développement à la Banque.
Selon le chef de l’unité Migrations et envois de fonds à la Banque mondiale, "Les travailleurs migrants font preuve d’une extraordinaire résilience face à la persistance de la crise économique dans les pays avancés. (...) Leur aptitude à trouver d’autres emplois et à réduire leurs dépenses personnelles leur a permis d’éviter de rentrer en masse dans leur pays d’origine". Toujours selon la Banque Mondiale, "pour la seule année 2012, 30 millions d’émigrés africains ont envoyé pratiquement 45 milliards d'euros à 120 millions de bénéficiaires".
Cet argent constitue un revenu important pour de nombreux ménages à faible moyen. Il sert à financer des besoins essentiels, nourriture, santé, éducation, logement. Une part importante de cet argent sert également à acheter des terres. C'est le cas de 25% des sommes envoyées au Nigeria. Au Burkina Faso, un quart de l'argent va à la construction d'une maison. Il arrive également que les travailleurs immigrés se regroupent sous forme d'associations pour réaliser des investissements dans leurs pays, pour créer une entreprise ou construire une école.
Pour certains pays africains, les virements des migrants représentent, aujourd'hui, près du 10% du produit intérieur brut. Le premier pays africain est le Nigeria, avec 21 milliards de dollars en 2012. Viennent ensuite le Soudan, le Kenya, le Sénégal et l'Afrique du Sud. Le reste des pays d'Afrique sub-saharienne ont vu leurs montants plutôt diminuer, freinés par la crise de la dette en Europe.En Afrique du Nord, le Maroc se taille la part du lion avec plus de 6 milliards de dollars. Ces travailleurs immigrés n'hésitent pas à augmenter les sommes envoyées en cas de situation difficile, dans leur pays d'origine. Le printemps arabe a, ainsi, eu de fortes conséquences sur la croissance de ces transferts. Autre exemple, lors de la crise politique en Côte d'Ivoire en 2011, la diaspora ivoirienne a doublé le montant de ces transferts, afin de soutenir les membres de leur famille, restés sur place.
Il s'agit des tranferts opérés par le canal officiel des banques, qui prélèvent en moyenne 9% des sommes transférées. La Banque Mondiale étudie la mise en place de mécanismes de transfert permettant de ramener le taux de prélèvement, par exemple dans le cas de l'Afrique, de 12% à 5 %, ce qui restituerait plus de 3 milliards d'euros aux migrants africains et à leurs familles. Il existe d'autres canaux informels et donc non répertoriés. Nul doute que l'ingéniosité des migrants et la robuste souplesse de leurs réseaux ne permette d'autres transferts non négligeables.
Martine et Jean-Claude Vernier

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