lundi 8 octobre 2012

Contre l’austérité, contre le capitalisme


Nous y voilà. Les flonflons de la campagne électorale ne sont plus qu’un lointain souvenir, place à la réalité. Et la réalité, c’est que la situation étant ce qu’elle est, le gouvernement mis en place avant l’été « découvre » que l’heure est grave (fin juillet Pôle emploi donne le chiffre officiel de 5,05 millions de chômeurs), qu’on va devoir se serrer la ceinture d’un cran (voire de plusieurs). Qui ça « on » ? 
Voyons, mais c’est bien sûr : les travailleurs, à qui on demande de payer une crise dont ils ne sont pas responsables, mais dont ils sont quand même les premiers à subir les conséquences. Donc les dirigeants du pays ne tournent plus autour du pot : après avoir tortillé du fondement pour éviter de prononcer les mots qui fâchent (genre : rigueur, austérité…), ils tendent le chapeau vers ceux d’en bas. À vot’bon cœur m’sieurs dames. Les économies annoncées pour réduire la dette vont évidemment provoquer une perte du pouvoir d’achat des nantis que nous sommes. Et, dans le plus pur style démago, ceux d’en haut montrent l’exemple : en diminuant leurs salaires, leurs notes de frais, en se déplaçant en transports en commun sous l’œil des caméras de la TV (comme nous, en somme, mais nous ce n’est pas un choix, c’est tous les jours, et les caméras ne sont pas celles de la TV mais de Big Brother).

Braves médias

Bref, les médias ne planquent plus devant le Fouquet’s, mais vont bientôt nous préciser la nature des sandwiches SNCF dont nos dirigeants se sustentent… Braves médias qui jouent toujours leur rôle de porte-voix des possédants, par exemple en multipliant les émissions consacrées à l’économie. On a ainsi pu voir pendant des années un défilé de pseudos spécialistes et experts à la TV (toujours les mêmes) ou les entendre à la radio (encore les mêmes), pour nous expliquer en long et en large les bienfaits du capitalisme. Seule la crise, qu’aucun d’entre eux n’a vu venir, leur a cloué le bec quelque temps, et les revoilà toute honte bue pour nous expliquer cette fois comment nous en sortir, tout en continuant dans le même système. Ce genre d’émissions avait un précurseur il y a une trentaine d’années en la personne d’Yves Montant qui, après avoir joué les idiots utiles pour le PCF, avait gardé le même rôle, mais cette fois pour la bourgeoisie libérale. Il nous avait ainsi présenté un petit jeune qui promettait : Alain Minc, celui-là même qui n’en finit pas de vouloir nous fourguer ses nombreux bouquins où il nous vante, à longueur de pages, les bienfaits du capitalisme (lui non plus n’a rien vu venir, tout occupé qu’il était à conseiller Sarkozy dans le quinquennat précédent). Tous ces débats télévisés ou radiodiffusés reposent sur le principe de la pluralité. Pour être plus précis, il s’agit de donner la parole à des « experts » partisans du capitalisme soft ou hard, ou un peu ceci, beaucoup cela, mais jamais à un économiste remettant en cause le capitalisme en tant que tel (si, si, il y en a). C’est un peu le même principe que les émissions religieuses diffusées le dimanche matin sur une chaîne TV du service public ; vous avez le choix entre diverses religions, les « produits » vous sont vantés dans un ordre bien établi, mais il y a toujours une parole manquante : celle des non-croyants (et je ne vous parle même pas des anticléricaux…).

Durs principes de dure réalité

Mais revenons à nos moutons, pendant que l’Europe du Sud (Grèce, Italie, Portugal, Espagne) s’enfonçait dans cette fameuse crise et ses conséquences financières, nous, en France, étions en pleine jubilation électorale, avec promesses de redressement économique et de mesures contre les licenciements. Mais la fête est finie, les problèmes demeurent et les mobilisations populaires sont annoncées comme tous les ans, car comme la tradition l’exige, la rentrée sera « chaude ».
Du côté des organisations politiques, le Front de gauche nous invite le 30 septembre à dire « non au traité d’austérité » que le gouvernement de gauche veut graver dans le marbre de la constitution. Front de gauche, c’est-à-dire Parti communiste français, Parti communiste ouvrier de France (si ça existe encore), plus quelques autres comme le Parti de gauche et son ineffable porte-voix, Mélenchon, qui, en ancien bon élève trotskiste, se doit évidemment d’être à l’avant-garde de l’avant-garde.

Côté syndicats, la CGT dégaine la première et nous invite, elle, à participer le 9 octobre à la journée européenne de luttes contre cette fameuse ratification du traité de stabilité (sic) européen.

Le gouvernement, quant à lui, rappelle que, à partir du 4 octobre, se tiendra à son initiative une négociation interprofessionnelle, syndicats/patronat sur le thème « Sécurité de l’emploi ». Ça aussi, ça s’annonce chaud, avec un Medef qui martèle depuis des mois que la solution à la crise réside dans l’équation : « plus de souplesse et de flexibilité pour les contrats d’embauche » sur « plus de liberté et de facilité pour licencier ». Traduction pour les exploités : plus de précarité sur… plus de précarité.
Les discussions risquent fort de tourner au dialogue de sourds, et gageons que la CGT, toute réformiste qu’elle soit, sera sans doute la première à quitter la table des négociations si elle s’en tient à son opposition de principe à la ratification de ce traité de stabilité, qui effectivement ne peut que « conduire à l’appauvrissement des salariés et des retraités », empêchant ainsi « toute reprise de croissance ». C’est vrai, la CGT a raison, mais elle ne pose pas toujours la question : quelle type de croissance ?

La liste des licenciements et des suppressions de postes n’en finit pas de s’allonger : PSA, ArcelorMittal, Sanofi, Air France, Bouygues, Presstalis, et les syndicats expriment (à juste raison) leur opposition à cela, mais se contenteraient bien d’un simple retour au bon vieux temps des soi-disant Trente glorieuses. Maintien du plein emploi à PSA ? Oui, mais pour produire toujours plus d’automobiles que l’on veut nous persuader d’acheter ou de renouveler de plus en plus souvent ; il n’y a qu’à compter le nombre inouï de pubs TV, ciné, magazine concernant ce produit de consommation (à noter, toutefois, qu’une partie des travailleurs de ce secteur commence à proposer une autre orientation d’activité à partir des mêmes matières premières). Maintien aussi du plein emploi chez le volailler Doux ? Bien sûr, mais pour produire quoi et dans quelles conditions ? Toujours la même merde qui atterrit dans nos assiettes (en tout cas dans la mienne, puisque je ne suis pas végétarien) ?

Pourtant…

Ce moment pourrait être historique et mettre à plat les données du problème : quels sont les besoins ? Pourquoi ? Qui les détermine ? Comment les satisfaire ? Dans quelles conditions ? Qui décide ? Qui organise ? Qui… ? On voit qu’à ce moment on va poser les questions qui fâchent. Il ne s’agit plus de garantir le plein-emploi en faisant tourner la machine capitaliste comme avant. Contrairement à un parti qui n’a plus de socialiste que le nom, et ce depuis longtemps, nous, anarchistes, ne sommes pas candidats gestionnaires d’un système qui est fondamentalement la cause de tous nos maux.

Bien sûr, vu l’urgence de la situation sociale, nous sommes pour des améliorations immédiates des conditions de vie des travailleurs et des précaires. Va donc pour les augmentations de salaires, le blocage des licenciements, la taxation des hauts revenus, le contrôle des aides publiques aux entreprises etc., mais se contenter de ces revendications est illusoire tant que l’on reste dans le cadre du système capitaliste. La gauche au pouvoir peut bien hausser le ton et bomber le torse, puisqu’ils ont choisi de gérer « démocratiquement » ce système, ce sont eux qui dépendent de la finance, et non l’inverse. Il n’y a pas de capitalisme « moral » (c’est même un oxymore parfait) ; il y a le capitalisme. Libéral, d’État, sauvage, mais toujours exploiteur. Notre projet autogestionnaire est en complète opposition avec ce système oppressif. Nous luttons effectivement pour une société nouvelle, sans capitalisme ni État, une société dans laquelle l’économie est aux mains des travailleurs et de leurs organisations de classe, une société où, par le biais de ses structures horizontales, chacun puisse subvenir à ses besoins et être un acteur à part entière de la vie politique et économique.

Le chemin est ardu ? Nous n’avons jamais prétendu qu’il était aisé ; mais accepter en courbant la tête toutes les mesures antisociales et les diktats que les actuels maîtres du monde veulent nous imposer, ce serait accepter définitivement le postulat de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Ramon Pino

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