samedi 22 septembre 2012

Panne de sens



Le mouvement social actuel est un peu comme un insecte sur le dos : il s’agite dans le vide sans savoir comment il va pouvoir retomber sur ses pattes.

Il faut dire que tout est fait pour qu’il en soit ainsi : enfumage électoral, propagande médiatique éhontée pour les politiques d’austérité de droite comme de gauche, bien évidemment qualifiées d’« inéluctables », complicité active de la plupart des directions syndicales pour faire avaler les plans de licenciements, les baisses des salaires, la casse des services publics, parce que, mon bon monsieur, vous comprenez, faut bien payer la dette des banques et des spéculateurs de tout poil. C’est pas juste, mais le bon Dieu vous le rendra ! Dans cet exercice oscillant entre le pitoyable et l’obscène, Chérèque, le diacre en chef de la CFDT, est, comme on s’en doute, particulièrement doué. Il vient ainsi d’affirmer qu’il ferait adopter symboliquement par ses instances le traité européen (TSCG) qui institue l’austérité à perpétuité pour les populations du continent et qui sera soumis aux parlementaires français début octobre. Mais rassurons-nous, Hollande a réussi, en juin, à « imposer » à la chancelière allemande un ajout concernant un « pacte de croissance » que les observateurs qualifient au mieux d’opération de communication, au pire de diversion grotesque. Ainsi, la direction de la CFDT (tout comme celle de la CES au plan européen) donne clairement quitus aux marchés financiers pour la généralisation de la barbarie qui aboutit, en Grèce, à la distribution de nourriture à des gamins affamés, chose qu’on croyait réservée à de lointaines contrées sous-développées.

Le système capitaliste considère aujourd’hui qu’il peut mettre la classe ouvrière, au sens large du terme, à genoux. Il sait, mieux que certains militants parfois, que la lutte de classe existe et il pense même qu’il est en train de la gagner, même si, ici ou là (Grèce, Espagne, Portugal, etc.), les salariés et les populations cherchent la voie de la résistance

Il y a des moments où il est particulièrement important de bien identifier les obstacles et les ennemis de classe : le patronat, bien évidemment, et son bras armé, l’État – même s’il est tatoué de petites roses –, mais aussi tous ceux qui, selon les moments, jouent le rôle d’anesthésistes ou de chiens de garde du système. Et il n’y a aucune complaisance à avoir, ni avec les uns ni avec les autres.

Dans ce contexte, les anarchistes conséquents, les anarcho-syndicalistes ou autres compagnons de Pelloutier, ne peuvent se contenter d’être spectateurs ou commentateurs. Les Rencontres internationales de l’anarchisme de Saint-Imier, qui ont rassemblé en août dernier des milliers de militants, ont montré à la fois la vitalité de nos idées, la capacité à rassembler et à s’organiser. Encore faut-il que notre message soit entendable par le plus grand nombre. Pour cela, il faut plus encore qu’aujourd’hui nous immerger dans les luttes, y compris celles qualifiées de réformistes tant il est vrai que la révolution ne se fera pas par une génération spontanée de révolutionnaires, mais par des millions de travailleurs gagnés petit à petit à nos idées et à nos pratiques, dans les quartiers, les syndicats de base, les unions locales.

Soyons clairs, nous ne sommes pas dans la situation de l’Espagne de 1936 où les anarchistes et les anarcho-syndicalistes étaient non seulement capables de défendre les acquis sociaux, mais aussi de mettre en place d’autres formes de production et d’organisation de la société. Tout cela fut le fruit d’un travail de terrain obscur mais fécond pendant les décennies précédentes. Ne nous payons pas de mots, ne donnons pas non plus de leçons aux travailleurs qui bossent (rarement avec plaisir) dans des entreprises qui produisent des objets socialement inutiles voire nuisibles. Il ne s’agit pas d’avancer masqués ou de renier quoi que ce soit de nos idées, mais simplement de montrer de quel côté nous nous situons résolument, celui des exploités.

Un énorme chantier s’offre à nous pour discuter, rassembler, convaincre des dizaines de milliers de femmes et d’hommes que nous pouvons, ensemble, retomber sur nos pattes et qu’un autre futur est possible.

Fabrice (groupe La Sociale)

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