samedi 22 septembre 2012

Logement : vite, vite, y’a l’feu !



Trois morts dans l’incendie de l’un des bidonvilles à étages de Saint-Denis, des millions de mal-logés, des effets d’annonce… mais toujours pas de réquisition. Dans un monde tendre aux puissants et dur aux faibles, il est clair que nous n’aurons que ce que nous saurons prendre.

« Pour une fois que ce ne sont pas les Roms qui morflent, on va pas bouder notre plaisir ! » Cette petite phrase qui a échappé du courrier des lecteurs du Figaro, mais pas du comptoir du café du commerce, illustre malheureusement l’état d’esprit ambiant de nos petites banlieues bien proprettes et bien réacs. Comme si cela ne suffisait pas à leur misère, l’incendie dramatique de Saint-Denis, il y a quelques jours, a détruit entièrement le peu de choses que ces pauvres occupants possédaient. Mais, si l’on peut dire, il montre aussi du doigt le peu d’empressement des pouvoirs publics en matière de logements insalubres et, aussi, le cynisme, voire la saloperie, des propriétaires, véritables marchands de sommeil qui ne valent pas plus que la corde qui devrait les pendre.

L’immeuble cumulait toutes les causes de l’insalubrité. Des loyers exorbitants – près de 400 euros pour un taudis de 18 m2 – qui n’étaient plus payés et une dette de 82 000 euros envers le groupe Véolia, qui, dans sa légendaire générosité, avait coupé l’eau depuis quatre ans. Pas bien pratique pour éteindre le feu. On ne parle pas de l’enchevêtrement des installations électriques réalisées à la diable et dans l’urgence parce que, bon, c’est quand même pratique un peu de courant. De plus, les propriétaires avaient programmé 110 000 euros de travaux et l’immeuble était « suivi » par la Soreqa, un des deux opérateurs du PNRQAD (Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés) qui avait inscrit dans ses priorités depuis janvier 2011. Alors, si l’immeuble était prioritaire et suivi, les anciens occupants sont priés de remercier l’administration, d’enlever leur casquette, et plus vite que ça… Incurie de l’administration, lenteur voire impuissance de l’action municipale, misère effroyable ont donc inévitablement conduit à cette situation.


Saint-Denis n’est pourtant pas une ville aussi pauvre que veut le laisser croire sa mauvaise réputation. C’est la plupart des habitants qui sont pauvres. Et, pourtant, certains quartiers, comme celui de La Plaine, abritent dans de luxueux immeubles de bureaux des entreprises prestigieuses, le Grand Stade, la nouvelle cité du cinéma. Un peu comme de la schizophrénie urbaine, si je puis dire. On n’est plus dans le fait divers, donc. D’un côté, un quartier un peu chouchouté et, de l’autre, un centre-ville de plus en plus dégradé. Les tours opérateurs font venir des milliers de touristes par an dans la basilique royale, touristes qui s’empressent de ne pas venir dans les quartiers populaires pourtant situés à un jet de pierre. Ils ont sans doute des consignes. Le plus angoissant, du reste, n’est pas seulement de constater les dégâts, mais bien de se demander pourquoi ça n’a pas cramé plus tôt et dans quel immeuble cela va prochainement se produire.


Les seuls a réagir sainement et sans démagogie furent les militants du DAL, dont le porte-parole a déclaré que, quel que soit le statut des occupants, avec ou sans papiers, il était absolument scandaleux que ce type de logement continue d’exister et que la réquisition était à l’ordre du jour. Car, on l’aura donc compris, les victimes du sinistre étaient toutes d’origine immigrée. Étonnant, non ?


Mais, avec Cécile Duflot comme madame le ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, on peut être totalement rassurés. Le fait est que, depuis moins de cent jours au pouvoir, elle n’aura pas encore eu le temps de faire grand-chose. Soyons magnanimes, on ne va pas lui tirer dessus tout de suite. En tout état de cause, elle a l’air d’y mettre de la bonne volonté, malgré sa candeur naïve, sa muselière et sa laisse un peu courte. M’enfin, que pourra-t-elle faire rapidement contre 40 % des logements – environ 5 000 – du centre-ville, véritables bidonvilles à étages, sinon faire la bise au capitaine des pompiers ? Encadrement des loyers, augmentation du plafond des dépôts du livret A, théoriquement censé favoriser la construction des logements sociaux, prolongation jusqu’au 31 mai de la trêve hivernale, relèvement du seuil de logements sociaux à 25 % dans les villes de plus de 3 500 habitants sous peine de voir le montant des amendes multiplié par cinq. Neuilly-sur-Seine ne va pas s’en remettre. Autant de preuves de bonne volonté ou d’effet d’annonce, comme on voudra.


Si les objectifs sont clairs, il y a loin, comme on dit, de la coupe aux lèvres. La promesse de Hollande est de construire 500 000 logements, dont 150 000 sociaux, par an pour la durée du quinquennat. L’idée de donner des lotissements constructibles appartenant à l’État n’était pas si mauvaise dans l’absolu, sauf que la liste datant du printemps 2012 de 930 terrains établie par France Domaine (un des services de Bercy) était parfois un peu bidon. On y trouvait des terrains déjà vendus il y a quelques années ou indisponibles car déjà construits. D’ailleurs, certaines municipalités qui avaient acquis ces terrains il y a quelques mois se sont empressées de réclamer malicieusement leur remboursement. La liste a disparu.


Mais, en attendant, ça a brûlé et il y a fort à parier que ça brûlera encore.


On peut toujours se rassurer en pensant que, de toute façon, ceux qui dorment dans la rue n’ont pas ce genre de problèmes. Veinards…
Emile Vanhecke
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