samedi 22 septembre 2012

Il y a un an, Troy Davis était exécuté : j'ai tant de choses à lui dire


C'était il y a un an jour pour jour : l'Américain Troy Davis était exécuté, après 22 ans passés dans le couloir de la mort et une grâce refusée la veille de son injection fatale. Laura Moye, la directrice de campagne sur l'abolition de la peine de mort d'Amnesty International États-Unis, lui consacre une lettre ouverte posthume.


Cher Troy
Je ne peux pas croire qu’une année s’est déjà écoulée depuis que nous t’avons perdu. J’ai tant de souvenirs présents à l’esprit de notre mobilisation pour empêcher ton exécution ; tant de choses à te dire aussi sur la manière dont ton histoire a changé le monde.
Je ne serai jamais à même d’imaginer le cauchemar que tu as vécu pendant 20 ans, confronté à un système légal déterminé à te tuer. On aurait pu s’attendre à ce que tu sois submergé par la colère et l’amertume… Tu étais tout le contraire. Toi et ta famille, vous m’avez accueillie et vous avez accueilli tant d’autres inconnus dans votre vie. Tu répondais à tous ceux qui t’écrivaient. Tu plaisantais avec nous, tu nous racontais des histoires et tu nous envoyais des cartes pour nos anniversaires.
Au-delà de ta générosité sur le plan personnel, tu as également donné de ta personne pour une cause plus large. Toi et Martina, ta sœur et ton premier soutien, vous saviez que "l’affaire Troy Davis" était devenue une ligne de front du combat pour les droits humains aux États-Unis. Vous saviez que les éléments qui avaient conduits à ta condamnation n’étaient pas uniques et que l’attention grandissante portée sur toi pouvait aider d’autres personnes.

Aux États-Unis, le vent tourne sur la peine de mort
J’aimerais pouvoir partager avec toi les témoignages de personnes dont les amis ou les proches sont désormais contre la peine de mort, grâce à toi. J’aimerais pouvoir te montrer les photos des étudiants qui ont manifesté contre ton exécution en train de faire pression, des mois après ta mort, pour demander une loi abolissant la peine de mort dans le Maryland.


Laura Moye (au fond à droite) lors d'une visite
 à Troy Davis (au centre) (Droits réservés Amnesty International)

J’aimerais pouvoir te faire sentir l’enthousiasme que tu as suscité pour lancer la mobilisation dans le Connecticut, où la loi abolissant la peine de mort a été adoptée en avril dernier. J’aimerais que tu puisses voir aussi la pétition réunissant 800.000 signatures en Californie qui rend possible la tenue d’un référendum sur la peine de mort en novembre prochain.
 Le vent tourne aux États-Unis. Le nombre d’exécutions et de condamnations à la peine capitale n’a jamais été aussi bas. Cinq États ont aboli la peine de mort au cours des cinq dernières années et de nombreux autres s’apprêtent à faire de même.


Ce qu'il s'est passé la nuit de ton exécution
Je me rappelle le mélange de fierté et de colère que j’ai ressenti la nuit de ton exécution. Près de mille personnes manifestaient devant la prison et de l’autre côté de la route. On n’a pas pu nous faire taire, ni en Géorgie, ni ailleurs. J’aimerais que tu aies pu voir aussi les foules à Paris, Londres, New York, Washington et dans tant d’autres villes. J’avais peur que les étudiants ne mettent le feu à la Cour suprême à Washington DC, ou encore que les manifestants au dehors de la prison ne créent une émeute face aux réactions excessives et agressives des forces de sécurité ce soir là.
Nous étions là pour toi. Nous étions là pour soutenir ta famille sur place, avec toute notre affection. Nous étions là pour incarner la vision d’un pays qui croit aux droits humains.
Lorsqu’on écrira l’histoire de l’abolition de la peine de mort aux États-Unis, un chapitre sera consacré à toi et au mouvement que nous avons créé ensemble. Tu nous as dit que l’État pouvait prendre ton corps, mais pas ton esprit. Ton esprit vit toujours et nous accompagne dans notre combat. Tu as déclaré un jour : "Je suis Troy Davis et je suis libre". J’aimerais dire à mon tour : "Nous sommes tous Troy Davis, et nous vaincrons !".


Fraternellement,
Laura

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