samedi 26 mai 2012

La jeunesse du Québec refuse de dormir


Depuis maintenant près de quatorze semaines, plus de trois mois, le gouvernement du Québec réagit aux arguments des étudiants en grève par un ensemble de tactiques faites d'un alliage de déni et répression. Il a tantôt organisé sa fuite, refusant de prendre acte de la mobilisation d'une part considérable des étudiants de la province, d'une manière particulièrement ostensible au lendemain des manifestations massives des 22 mars et 22 avril derniers, faisant de l'absence de réaction le fondement d'un déni nommé « gestion ». Il s'est, le reste du temps, adonné à un recours à la force et à la répression policière sans mesure, portant la responsabilité de blessures très graves de plusieurs manifestants et donnant lieu à un nombre inquiétant d'arrestations, généralisées lors des marches de protestation. Cette stratégie associant faux-fuyants et brutalité est celle, pour le moins paradoxale de la part d'un gouvernement démocratique, d'un refus non-négociable de situer son action et sa légitimité dans le registre politique. Au lieu de s'engager dans la part d'antagonisme que suppose la vie politique, le gouvernement libéral[2] s'emploie au contraire à communiquer sa volonté sous la forme de ce qui doit apparaître comme des évidences placées hors de toute argumentation. Alors que le mouvement étudiant et ses représentants portent des revendications explicitement politiques, selon un mode d'action authentiquement politique – la grève, décidée par le vote d'assemblées pratiquant la démocratie directe – le gouvernement, systématiquement et avant tout, cherche à extraire le débat de ces enjeux. Au cours des premières semaines du conflit, cette attitude a été activement relayée par la direction de certaines université, en particulier celle de l'Université de Montréal, dont l'attitude et les pratiques se sont à peu près calquées sur celles du gouvernement. Ce refus du jeu et de la confrontation proprement politiques s'est appuyé sur trois stratégies principales : le déni, la répression et la judiciarisation de la grève étudiante. Toutes les trois ont pour ressort et pour effet partagé de menacer directement la communauté au sein de laquelle ce conflit a lieu, dans le sens où l'action du gouvernement vise à faire admettre qu'il n'y a pas de communauté concernée par ce conflit et ses enjeux.

Eric Toussaint : « La Grèce et l’Europe dans les chaînes de la dette »


Interview d’Eric Toussaint par Przemysław Wielgosz |1

De nombreux experts et politiciens européens considèrent que la crise des dettes publiques dans la zone euro a été maîtrisée avec la récente réduction négociée de la dette grecque de 50 %, et la nouvelle tranche d’aide de 130 milliards d’euros. Pouvons-nous effectivement pousser un soupir de soulagement ?

Tout d’abord, cette aide à la Grèce est un cadeau empoisonné. Il s’agit avant tout de sauver les grandes banques privées européennes qui investissaient auparavant dans les obligations grecques. Les gouvernements des pays européens pensent que si la Grèce avait suspendu le remboursement de la dette, on aurait eu un effet de domino, et l’Union européenne serait tombée dans une crise systémique qui toucherait également ces banques-là. Deuxièmement, ce prétendu cadeau, c’est en réalité un prêt, c’est-à-dire de nouvelles dettes. L’aide européenne pour Athènes, soi-disant si généreuse, c’est tout simplement 130 milliards de nouveaux crédits. Pas besoin d’être docteur en mathématiques pour comprendre que si d’un côté on réduit la dette de 107 milliards, et de l’autre on prête 130 milliards, alors nous aurons au bout du compte une augmentation du montant de la dette. Troisièmement, ce nouveau plan d’aide à la Grèce ne signifie pas la fin de la crise. Car, de toute manière, le niveau de l’endettement de la Grèce est insoutenable. La Troïka (la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international) prévoit qu’en 2013 la dette de la Grèce représentera 164 % du PIB. Or la politique que la Troïka impose à la Grèce a déjà abouti à une réduction des recettes fiscales du gouvernement. L’activité économique va continuer à se contracter avec les réductions des dépenses publiques et privées, des salaires et de l’emploi. Dans une telle situation, il n’y a pas de moyens financiers suffisants pour le remboursement de la dette. C’est pourquoi, de nombreux économistes pensent dès maintenant qu’à l’avenir il faudra un nouveau plan de crédits pour le gouvernement de la Grèce.

mardi 22 mai 2012

Enquête sur cette jeune génération FN qui veut le pouvoir




Ils ont moins de 45 ans, trustent l'organigramme du Front national et sont candidats aux législatives. Ils se sont vu offrir par Marine Le Pen des responsabilités et une médiatisation qu’ils n’auraient pu espérer dans aucun autre parti. La différence avec leurs aînés ? Ils veulent le pouvoir. Mais toujours avec le même programme.
Le 15 janvier 2011, au congrès de Tours, Jean-Marie Le Pen passe le flambeau à sa fille. Les quadras du Front national savent que les manettes du parti vont leur revenir, enfin. Ils sont nés après 1968, n'ont connu ni la Seconde Guerre mondiale, ni la guerre d'Algérie, ont commencé à militer à leur adolescence et ont toujours aspiré au pouvoir. Certains sont restés fidèles à Le Pen, d’autres l’ont lâché un temps pour Bruno Mégret, d'autres encore sont des ralliés (souverainistes notamment). Mais tous prônent un renouveau qui tient en deux mots : « dédiabolisation » et crédibilité. C'est eux que la présidente du FN place dans sa vitrine, remisant dans l'arrière-boutique les personnages plus sulfureux (lire notre article sur ses réseaux obscurs).

Québec: au cœur du mouvement étudiant




« Il faut faire attention quand on réveille un peuple endormi », avertit le politologue Eric Martin sur un ton provocateur mais amusé. Le jeune professeur est encore surpris par la détermination de ses élèves, ces étudiants québécois qui participent à ce qui, en trois mois, est devenu la plus longue grève de l’histoire du Québec.

Carré rouge épinglé sur sa veste, Eric Martin préfère parler de« printemps québécois » que de « printemps érable », spécificité provinciale oblige, et ne cache pas avoir embrassé la cause des étudiants. Le politologue étudie de près la question de l’éducation dans la pensée néolibérale pour l’Institut de recherches et d’informations socio-économiques (IRIS), l’un des think tank de gauche du Québec, un lieu indispensable pour comprendre ce qui est en train de se tramer dans la province.

Car ce mouvement étudiant s'est transformé en une opposition tenace au gouvernement libéral de Jean Charest en place dans la province depuis 2003. La grève – ou « boycott des cours », expression retenue par le gouvernement puisque les étudiants ne sont pas régis par le droit du travail – est suivie par 150 000 à 300 000 étudiants selon les périodes, c'est-à-dire 30 à 60 % des étudiants.



lundi 21 mai 2012

Sofia Sakorafa : "Si rester dans la zone euro signifie la destruction de la Grèce, nous devrons en sortir"

Sofia Sakorafa, députée de Syriza et parlementaire qui a obtenu le plus de suffrages (parmi tous les élus tous partis confondus), déclare : « On dit au peuple grec qu’il a une dette mais personne ne sait d’où elle est issue ni ce que l’on paie ».


Sofia Sakorafa, lélue qui a obtenu le plus de voix le 6 mai
Photo Demotix



Un poster de Hugo Chávez décore le bureau de Sofia Sakorafa (Trikala, 1957) dans le quartier d' Exarchia, aux façades couvertes de graffitis anarchistes. Ex-députée du Pasok, elle fait partie de la coalition de gauche radicale Syriza et est la parlementaire qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages le 6 mai. Ancienne lanceuse de javelot médaillée olympique, elle fut la première membre du Pasok à se rebeller et fut expulsée suite à son vote contre le premier plan d’ajustement. « Je ne pouvais pas rester au sein d’un parti qui a viré à droite et a appliqué une politique néolibérale qui rompt avec sa tradition et son programme ».