jeudi 15 mars 2012

Sauvetage de la Grèce ? Ou sauvetage des spéculateurs ?



Plus de 85% des créanciers privés (banques, assurances, fonds de pension…) ont accepté jeudi soir de participer à la restructuration de la dette grecque en effaçant 107 milliards d’euros. Sur le papier, ces créanciers renoncent ainsi à 53,5% de ce que leur doit la Grèce. Mais contrairement aux apparences, l’unique préoccupation de ce plan est encore une fois le sauvetage des spéculateurs financiers privés dont font partie les banques grecques et européennes (principalement françaises et allemandes).

En effet, les créanciers et le gouvernement grec ont mis en place un montage complexe : les créanciers privés échangent leurs titres grecs contre de nouveaux titres d’une valeur inférieure. Ainsi, pour une obligation échangée d’un montant initial de 100 euros, les créanciers vont recevoir un nouveau titre d’une valeur de 46,5 euros. Les créanciers privés troquent des titres qu’ils avaient rachetés sur le marché secondaire à moins de 40 euros, contre des nouveaux garantis par la Troika et reçoivent immédiatement l’équivalent de 15 % de ces dettes en argent frais |1|.

Mais les banques ne sont pas seulement gagnantes à travers cet échange. Elles sont surtout protégées du défaut de paiement de la Grèce tant annoncé. Dans ce cas, les banques auraient été obligées de déclarer dans leur bilan les titres grecs à leur valeur de marché. Jusqu’à présent et dans le respect des normes de comptabilisation et d’évaluation des instruments financiers en vigueur dans l’UE |2| les banques peuvent déclarer ces titres de dette à leur valeur d’émission. Avec des bilans remplis d’actifs financiers spéculatifs qui se déprécient, les banques ont trouvé une parade comptable en spéculant à la baisse sur les titres de dette. L’objectif principal a été de pouvoir acheter à moins de 40 euros des bons de dette qu’elles déclarent à 100 euros dans leur bilan. Elles ont gonflé ainsi en toute légalité leur bilan. Au passage elles ont racheté des dettes dont le rendement est passé à plus de 20% (pour 100 euros investis, les intérêts perçus sont de plus de 20 euros par an). Enfin, grâce aux marchés de dérivés financiers elles ont pu parier sur la baisse des prix de ces dettes et ainsi générer des profits supérieurs ou équivalents aux pertes possibles qu’elles ont pu avoir dans ce jeux d’achat-revente à la baisse sur le marché secondaire des titres de dette. Après avoir spéculé jusqu’en 2010 tant et plus sur le marché de dettes grecques (voir le graphique suivant) les banques ont alors arrêté leurs transactions et amplifié ce jeu sur les marchés secondaires des dettes des autres pays, classés à risque par les agences de notations.



Dans le cas d’un défaut de paiement la valeur des dettes grecques sur le marché secondaire aurait été voisine de 0 euros et non plus les 20 ou 30 euros actuels. Pire encore, les banques n’auraient plus eu la possibilité de déclarer ces dettes à leur valeur d’émission ! Pour ce faire, jusqu’à présent, il leur suffit de prétendre vouloir conserver les titres de dette jusqu’à échéance. Or, comme la norme IAS 39 le spécifie, pour que les actifs financiers soit considérés comme des « placements détenus jusqu’à leur échéance » il faut bien sur qu’ils soient « remboursables ». Et en cas de défaut incontrôlé, c’est bien toutes les dettes grecques qui seraient alors considérées comme non remboursables. Les banques et autres investisseurs financiers qui ont joué avec la Grèce risquaient de tout perdre. Il était donc logique qu’ils consentent à dégonfler un peu leur bilan. Mais rappelons qu’ils n’ont, au final, pas perdu un centime. Bien au contraire, ils ont gagné en échangeant des titres à 46,5 euros qu’ils avaient achetés moins de 40 euros. C’est donc le peuple grec qui paie le prix. Ainsi, pour 107 milliards de réduction, la Troïka octroie un nouveau prêt de 130 milliards à la condition que le montant soit utilisé pour payer la dette, soutenir les banques et plonger dans la pauvreté la population... Les banques et autres spéculateurs ont été sauvés ! Pour l’instant...

Olivier Chantry

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