dimanche 11 mars 2012

Les leçons non retenues de l’Histoire



Il est bien sûr toujours dangereux de faire des comparaisons historiques car il n’existe pas, dans l’Histoire, deux situations identiques,… et l’Histoire ne se répète pas.

Cela ne doit pas nous empêcher de tirer un certain nombre de leçons sur des attitudes, des réflexes, des réactions prévisibles à des mécanismes, des évènements, même s’ils ne sont pas identiques mais qui déclenchent à peu près les mêmes réactions à toutes les époques.

LE MÉPRIS DES PEUPLES

Il peut s’exprimer aussi bien par cynisme et idéologie – le refus de l’autre considéré comme inférieur – que par une pure rationalité, au nom d’une logique supérieure… celle de marchés par exemple.

Aujourd’hui, sauf pour quelques imbéciles, il est difficile, et politiquement risqué, d’établir une hiérarchie entre les individus, les communautés, les civilisations. De même qu’à part les fanatiques – et ils sont encore très /trop nombreux - les différences entre croyances, religions ne constituent pas des critères pertinents de domination. La tendance, comparée au passé, très lente il est vrai, est l’acceptation de l’autre dans sa spécificité culturelle… ceci porte un nom : la laïcité.

Par contre on assiste à un phénomène, pas nouveau c’est vrai, mais qui prend de plus en plus d’importance, c’est de considérer l’autre au travers d’une « réalité économique » qui fini par l’instrumentaliser et finalement le nier en tant qu’être humain. Plus besoin dés lors d’idéologie, de croyance et autre manifestation plus ou moins subjective. Le calcul et les statistiques, les règles de la comptabilité et de la gestion donnent le la des relations sociales et des rapports entre les peuples.

Ainsi, la manière dont le peuple grec est traité depuis des mois en dit long sur cette pratique. Il lui est, de fait, dénié le droit d’exprimer réellement ses désirs, sinon au travers d’un système politique électoral complètement piégé et manipulé,… lui sont même confisqués les moyens d’une vie décente (santé, pouvoir d’achat, retraites, écoles,…) et ce, au nom d’une exigence économique fondée sur l’intérêt des marchés et de leur spéculation. En France la manipulation politique qui a annulé la décision populaire de refuser le Traité Constitutionnel Européen,… est du même genre.

On ne compte plus aujourd’hui les décisions arbitraires – sous couvert d’impératifs économiques et camouflées sous l’intitulé de « démocratie », les décisions prises par les gouvernements, les banquiers et les marchés, qui mettent en péril plus d’un demi-siècle de conquêtes sociales et oblitèrent l’avenir des générations à venir.

Au nom d’une prétendue « science économique » qui serait l’expression d’une réalité naturelle et indépassable,… et bien entendu incontestable, le système marchand asservi des peuples entiers, les condamne à la rigueur, à la pauvreté et les accule à la révolte.

Malgré, ou plutôt à cause, du camouflage démocratique, les pires pratiques sont « permises »… Les décideurs ont la « bonne conscience » de leur côté, la légitimité en prime et la certitude d’agir dans le « sens » de l’Histoire ( ?).

A toutes les époques nous trouvons des pouvoirs qui, ceint de telles certitudes, plus ou moins accommodées, soit à la sauce religieuse, mystique, patriotique, « démocratique », ont fait n’importe quoi, pratiquant les pires politiques, acculant des peuples entiers soit à la révolte contre eux, soit à l’affrontement entre eux.

Aujourd’hui, comme hier, mais sur des bases nouvelles, nous assistons à un processus de domination, cette fois des marchés, des experts, des spéculateurs, des politiciens qui ne peut qu’aboutir à la fracture sociale et politique. Le mécanisme inhérent au pouvoir du capital, sa domination et la logique de son extension marginalisent, voire excluent, absolument l’ensemble des peuples. Tout se fait à leur insu. Le lien social se délite, se décompose… A court terme, cette décomposition profite aux marchés, fonds de pensions, spéculateurs, banques et leurs valets politiciens… à moyen et long terme c’est l’effondrement de la société.

LA MONTÉE DU TOTALITARISME


Il est aujourd’hui évident, malgré les rodomontades de certains, que la société civile n’a pas trouvé le moyen de dépasser cette situation. Les drames du 20e siècle ont quasiment tous cette origine… Révoltes, insurrections, coups d’Etat,… même la « révolution bolchevique », même les luttes de libération coloniales,… tout a échoué contre le capitalisme…. Sans parler des élections qui le renforcent systématiquement.

C’est toujours cette incapacité stratégique pour les exploités qui a aboutit au totalitarisme.

La force du Capital c’est la faiblesse de celles et ceux qui luttent contre lui.

Dans toute société, un rapport de forces dans lesquelles celles-ci sont équilibrées, c’est-à-dire que les classes sont fortes et y « trouvent leur compte »… comme les salariés dans les pays développés qui ont profité des miettes substantielles du capitalisme,… donne un système, contradictoire, mais stable.

Aujourd’hui la force du Capital est disproportionnée par rapport à celle de celles et ceux qu’il exploite, qu’il asservit, qu’il se permet d’exclure.

Aujourd’hui, les amortisseurs de ce qu’il est convenu d’appeler la crise, c’est le modèle social issu des luttes des salariés en Europe. La déréglementation, la libéralisation sont entrain de faire fondre comme neige au soleil les protections sociales qui rendaient supportable le système. Le fonctionnement actuel du système marchand remet à nu ses principes (on parle d’un retour au 19e siècle). Le social qui était une production des luttes disparaît. La condition humaine devient de plus en plus insupportable,… la révolte gronde.

Une classe capable de tout pour garder son pouvoir, face à une multitude – qui souffre - incapable de l’essentiel pour la renverser,… et nous avons là les ingrédients essentiels pour une aventure totalitaire. Le 20e siècle nous en donne des exemples édifiants.

C’est très exactement la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Lobotomisés par les pratiques « républicano-électorales », nous faisons, nous, comme les plupart des peuples, comme si….. Nous nous efforçons, à défaut d’autre chose, de croire que la solution (hypothétique) réside dans les vieilles formes de contestation et finalement dans… les élections.

Pendant tout ce temps les contradictions se développent, les conflits se multiplient, le tissu social se délite,… Pendant combien de temps cette déliquescence peut-elle durer ? Personne ne peut répondre. Mais l’on peut/doit penser, à juste titre, que ce processus ne peut éternellement se poursuivre… ça ne peut que « casser ».

« Casser » veut dire que la révolte – stérile – aboutira sur un désordre inacceptable pour les dominants, mais aussi pour les dominés. Seul, dans les conditions d’alors, un coup d’Etat, militaire ou militaro-policier ‘toutes les formules sont possibles), pourra assurer une stabilité politique, économique et sociale. Paix des cimetières, mais paix tout de même. Et aucune force – forcément inorganisée – ne pourra s’y opposer… Certains même, parmi le peuple aspireront à cette stabilité… L’exemple de la montée du nazisme en est une parfaite illustration. Lassitude et peur seront de puissants moyens de restabilisation sociale au travers d’un coup de force.

Ce raisonnement, ces exemples, on n’en parle jamais… Ils font peur. On préfère s’accrocher aux certitudes futiles – pour le moment – de politiciens patelins, sécurisants ou, si l’on est plus velléitaires, de tribuns plus ou moins contestataires qui séduisent par leur verve et leurs gesticulations médiatiques.

Nous ne savons pas tirer les leçons de l’Histoire, nous préférons nous laisser croupir dans le lit douillet – qui se délite – des acquis du passé, espérant que le froid calcul des intérêts égoïstes du Capital ne frappera que les voisins.

Le réveil va être brutal !

Patrick MIGNARD

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