samedi 31 mars 2012

Jean-Luc Mélenchon redonne à la gauche sa dignité

Jean-Luc Mélenchon (652)
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La percée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages indique une tendance lourde et reflète un rapport de forces nouveau. Le Front de gauche est en train de s’installer dans le paysage politique. Ce mouvement s’enracine car il articule aux yeux des électeurs deux caractéristiques essentielles de la gauche historique : la crédibilité et la radicalité. Que ce succès tienne beaucoup aux qualités intellectuelles et oratoires du député européen ne fait aucun doute. Mélenchon a des convictions qu’il défend avec pugnacité et une vision politique qui est cohérente. Ceux qui, au PS ou à droite, feignaient de voir chez lui un « populiste » de second ordre en sont aujourd’hui pour leurs frais. Mélenchon est plus qu’une révélation. Il est devenu la figure de référence de la gauche française.

Au début de la campagne, un doute subsistait : Jean-Luc Mélenchon mettrait-il son savoir-faire politique au service de l’union des gauches, ou chercherait-il à poursuivre un chemin plus personnel ? Il a choisi de rassembler la gauche qui souhaite rompre avec trois décennies d’impasse sociale-démocrate. Il a mis en sourdine les thèmes qui désunissent à gauche (l’interprétation de la laïcité et de la république, le patriotisme, ainsi que son tropisme mitterrandiste), pour aller à l’essentiel : la lutte contre l’exploitation capitaliste, la planification écologique, une assemblée constituante contre la 5e république « monarchiste » ou encore l’égalité de genre au travail et dans les rapports privés.


Une campagne juste et crédible


Le candidat du Front de gauche est, il est vrai, aidé par une conjoncture exceptionnelle. D’une part, le retrait d’Olivier Besancenot lui a laissé le champ libre sur le plan médiatique. Davantage, le sectarisme du NPA a permis au Front de gauche d’apparaître comme l’unique pôle de rassemblement à gauche. D’autre part, François Hollande et le PS continuent de composer avec un système qui a failli. Ce n’est pas tant la supposée « mollesse » du candidat socialiste qui est en cause, que l’incapacité de la social-démocratie à rompre avec sa gestion mortifère d’un capitalisme financier sans foi, ni frontières. L’anti-sarkozysme virulent des Français pourrait suffire à faire élire Hollande, mais il ne s’accompagne pas, pour le moment, d’une adhésion aux idées socialistes. Quelle est par ailleurs la position du candidat socialiste sur les retraites, le pouvoir d’achat ou le nucléaire ? Le flou et les hésitations qui entourent ces questions-phares ne sont pas de bon augure. On comprend le manque d’enthousiasme des électeurs qui redoutent qu’une présidence Hollande ne se situe dans la continuité sarkozyste en matière économique et européenne. Il y a, enfin, un dernier facteur conjoncturel : partout en Europe, les gouvernants font payer la crise du capitalisme aux catégories les plus vulnérables. Les politiques d’austérité frappent par leur brutalité et leur caractère injuste. Les idéologues néolibéraux veulent profiter de la situation pour imposer de nouvelles privatisations des services publics. Les électeurs ont hautement conscience de la nature néfaste et inique de ces politiques, car elles sont synonymes de nouvelles privations personnelles qui réduisent la capacité de chacun de mener une vie libre et épanouie. Mélenchon a sur ce plan un positionnement juste et crédible : les capitalistes ont créé ce marasme économique, qu’ils payent les conséquences de leurs actions maintenant ! Dans un face-à-face désormais célèbre avec Marine Le Pen, Mélenchon a dissipé un mensonge entretenu depuis les années 80 par l’ambivalence de la droite et l’incurie de la gauche : le FN n’est pas le parti du peuple, mais celui des dominants.


Une gauche confiante et combative


Jean-Luc Mélenchon a le sens de la formule qui touche et qui fait mouche : « Nous étions jusqu’à présent armés de notre subjectivité et de nos intuitions pour lutter contre ce système injuste. Aujourd’hui, cette subjectivité est devenue objectivité ». Cette « objectivité », ce sont les électeurs politisés par la crise qui estiment que le moment est venu de changer en profondeur notre société. La « révolution citoyenne » : loin d’être un slogan creux de campagne, ce mot d’ordre s’impose comme une mesure nécessaire et de bon sens.

Le candidat du Front de gauche se démarque de ses concurrents dans sa manière de mener campagne et de s’adresser à l’électorat. C’est là l’une des clés de son succès et de son audience croissante. Il argumente, réfute et explique sans se lasser. Ses discours sont didactiques, précis et parsemés de citations historiques et littéraires. A la Bastille, le « rouge était de retour » : le poing levé, comme en 36, Mélenchon a redonné confiance au peuple de gauche. Les bannières syndicales étaient présentes et des ouvriers défilaient dans leur tenue de travail. Mélenchon a dit à son auditoire qu’il pouvait être fier de l’histoire de la gauche, de ses luttes et de ses personnages illustres. Il leur a parlé de 1789, du devoir d’insurrection contenu dans la Constitution de 1793, de Louise Michel, de la Commune de Paris, de Jules Vallès et son Cri du peuple ou encore de la manifestation féministe du 14 juillet 1935, prélude au Front populaire. Dans un clin d’œil à Jean Jaurès, Mélenchon a conclu son discours d’un tonitruant « Vive la Sociale ! » Le mort saisit le vif. L’histoire de la gauche réifiée est une histoire incorporée, c’est-à-dire une geste vivante, moderne et joyeuse. Il suffisait de regarder les visages heureux sur la place de la Bastille pour s’en convaincre. Après trente années de mutisme, la gauche parle de nouveau sa langue ! Mélenchon a redonné à la gauche sa dignité.

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