jeudi 29 mars 2012

Femmes d’Europe, solidarité avec les femmes grecques !


Entretien avec Sonia Mitralias, membre fondatrice de l’Initiative des femmes grecques contre la dette et les mesures d’austérité, ainsi que du Comité grec contre la dette.


L’Initiative des femmes grecques contre la dette et les mesures d’austérité a fait sa première apparition publique le 8 mars 2011, pour la journée internationale des femmes. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette initiative ?

D’abord, c’est le fait que ceux qui composent la tristement célèbre Troïka, c’est-à-dire le FMI, la Banque centrale européenne et la Commission européenne, nous imposent des mesures et des politiques qui non seulement appauvrissent mais aussi détruisent la société grecque. Ces mesures, encore tout à fait inimaginables hier, constituent un tournant historique dans l’histoire de l’Europe contemporaine. Elles préfigurent désormais notre destin à toutes et tous en Europe. Leurs conséquences ? La vie dans la pauvreté absolue, le chômage, la violence et l’angoisse constante pour la survie.

Quelques femmes, provenant de la Marche mondiale des femmes grecques, en ont pris l’initiative après le traitement de choc imposé par la Troïka. Au début, on était sidérées, incapables de réagir parce que nous avons senti ce que ressentent les femmes violées face à leur bourreau. Par sa « stratégie du choc », une technique de terreur et de violence, la Troïka veut nous imposer sa toute-puissance, veut nous utiliser comme cobayes pour mesurer nos résistances. En somme, ils ont transformé la Grèce en laboratoire européen de l’application de leurs politiques barbares.

Mais pour nous, femmes, il y a pire. En plus de tout ce que nous partageons avec l’ensemble de la population grecque, les politiques de la Troïka nous visent tout spécialement, nous saignent « en toute priorité ».


Sonia Mitralia avec l'affiche d'un spectacle théâtral féministe des années 1980 intitulé : "Tout ça, c'est la faute des nanas !" Photo Fausto Giudice, Tlaxcala

Pourquoi les femmes sont-elles spécialement visées par les mesures d’austérité de la Troïka ?

La destruction et la privatisation des services publics imposées par la Troïka sont aujourd’hui synonymes pour des millions de femmes grecques de la prise en charge par elles-mêmes des tâches sociales antérieurement assumées par l’État. Concrètement, les femmes grecques sont maintenant obligées de se substituer à pratiquement tous les services d’utilité publique, à tout l’État providence mis à genoux et démantelé par les politiques de la Troïka. Ce sont elles qui assurent à la maison, en famille, les tâches autrefois assumées par les jardins d’enfants, les hôpitaux, les hospices, les caisses de chômage, les asiles psychiatriques, et même par la Sécurité sociale. Au moment où les jeunes et les moins jeunes (même de 40-45 ans !) sont obligéEs de revenir vivre chez les parents parce qu’ils/elles sont chômeurEs (50 %, unE sur deux !) et ne peuvent plus payer leur loyer, leur électricité, leur nourriture, ce sont leurs mères et leurs sœurs qui sont contraintes de les nourrir, de soigner chaque jour leur état physique mais aussi psychique. Et tout cela absolument gratuitement ! Les énormes sommes ainsi épargnées par les pouvoirs publics vont directement au paiement de la dette. Vous pouvez alors imaginer ce que ce surplus quotidien de travail représente pour ces millions de femmes comme fatigue physique et mentale, comme tension nerveuse et vieillissement précoce.

Il s’agit d’un véritable « hold-up du siècle » qui n’est jamais mentionné, dont personne ne parle.

C’est d’ailleurs pourquoi on le camoufle sous l’emballage idéologique d’un retour à la prétendue solidarité familiale et à la véritable « nature » de la femme qui la veut au foyer, dévouée à sa mission de mère et d’épouse !

En somme, on assiste là à une offensive bien organisée de la pire réaction patriarcale qui scelle ainsi les noces du capitalisme néolibéral avec le patriarcat moyenâgeux !

Qu’avez-vous déjà réalisé ?

Au début, nous avons participé à des mobilisations contre les conséquences des mesures d’austérité. Nous nous sommes battues aux côtés des parents contre la fermeture des écoles ou revendiquant des livres scolaires et du chauffage pour leurs enfants. Aujourd’hui, c’est ce mouvement de parents d’élèves qui organise la distribution de lait et de sandwiches aux élèves, qui, souffrant de malnutrition, s’évanouissent dans les classes (10 % des élèves connaissent de telles carences nutritives).

Ce qui a marqué le développement de notre Initiative a été notre participation active à la Conférence internationale contre la dette, organisée avec succès à Athènes par la Campagne grecque d’audit citoyen de la dette publique (6-8 mai 2011). Juste après, a démarré le mouvement des IndignéEs grecQUEs (Aganaktismeni) qui a balayé tout le pays pendant trois mois. Notre Initiative y a participé et notre grande banderole a longtemps flotté au cœur de la place Syntagma, juste devant le Parlement grec...

Quelles sont vos activités ?


Tout récemment, nous avons conduit une grande campagne contre la décision du gouvernement de faire payer (1 000 euros) l’accouchement et surtout contre le refus de certains hôpitaux d’accoucher des femmes qui ne pouvaient pas payer ! Notre campagne dénonçait le fait que le gouvernement donne la priorité au remboursement des banques et des autres créanciers et non à la satisfaction des besoins élémentaires de sa population. En somme, nous expliquions que deux tiers du budget vont au paiement de la dette, et alors il n’y a plus rien pour la santé, l’éducation, les services sociaux. Ce n’est pas un hasard si notre campagne – qui continue – a eu un grand succès…

Notre combat ne sera pas facile. Mais on n’a plus le choix. Des millions des femmes grecques doivent lutter maintenant pour leur survie. Votre solidarité, la solidarité de toutes les femmes, leur est précieuse et même vitale. Manifestez-la maintenant…

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