samedi 31 mars 2012

Conte de la campagne




Il était une fois un souverain fort sot et mal léché qui n’aimait rien tant que ripailler avec sa gentilhommerie et faire la giguedouille en assemblée. Sentant venir sa déchéance prochaine, il fit mander le Grand Chambellan ainsi que les fidèles conseillers et courtisans obséquieux de son ost, et leur tint à peu près ce langage.

- Je vous ai réuni en notre castel car d’aucuns me disent que notre peuple, ce ramassis d’imbéciles couards et crédules, ne m’aime plus, ne croit plus en moi et ne songe qu’à me détrôner. Que me faut-il donc faire pour échapper à cette disgrâce ?

- Sauf votre respect, Sire, il suffirait d’effrayer le maraud afin qu’il réclame bons soins et sainte protection de votre majesté. Pour ce faire, il suffirait de laisser courir le bruit que des hordes sarrasines escaladent déjà les fortifications de votre bon royaume, risqua le Grand Chambellan, chacal le plus matois de sa garde rapprochée.

- Que nenni, la roture ne songe qu’à bonne pitance, aumône fieffée et autres doulceurs émollientes de la fête, du rire et de la fraternité. Il ne se laissera pas prendre à aussi grossières manœuvres et balivernes, répondit le monarque plein de courroux.

- J’ai une autre idée, dit alors le chef de la garde prétorienne, un mien espion m’a rapporté que de lugubres individus préparent en secret arquebuses, échelles et trébuchets en leur gourbi des confins du royaume. Il suffirait de les assaillir et de les occire de la belle manière.

- Il n’en est pas question. Il est trop tôt. La chose est trop lointaine. Attendons plutôt que ma campagne de chasse commence. Si le sort est avec nous peut-être passeront-ils à l’acte. La glèbe en concevra une telle haine qu’un bon spectacle d’exécution publique la ravira et la précipitera sous la coupe bienveillante de son souverain. Rien de tel pour séduire rustres et manants ; rien de tel non plus pour fidéliser le vilain et lui redonner la fierté d’appartenir à ce qu’il croit être une identité. Nous, mes hommes et mes chiens sommes fin prêts pour la démonstration de force et de bravoure que notre peuple attend avec si haute ferveur.

- Fort bien ! Fort bien ! Quelle habile manœuvre pour envoûter la populace, s’écrièrent aussitôt en chœur les courtisans.

Le temps qui tant s’allonge passa donc sur les fêtes carillonnées du royaume, jusqu’à ce que d’infâmes assassins, encouragés par l’apparente niaiserie du roi, commettent force crimes et vilénies. Le roi put ainsi pourfendre les buveurs de sang dont il connaissait la tanière depuis des lustres, les estriller et rallier ainsi à lui les suffrages des manants éperdus de reconnaissance.


(Il est tellement évident que toute ressemblance entre ce récit et des faits ou personnages réels serait purement fortuite qu’il n’est point besoin de le préciser. Ceci est un conte de l’époque obscurantiste. Rien à voir avec nos temps modernes.)

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