vendredi 9 mars 2012

Chômeurs de longue durée : les nouvelles mesures



Suite au dernier plan présenté par Nicolas Sarkozy lors du sommet social du 18 janvier, une instruction du 10 février 2012 vient préciser les modalités de suivi et d'accompagnement des chômeurs de très longue durée par la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et Pôle Emploi.

En voici les grandes lignes...

Dans le détail => L'instruction DGEFP/DG Pôle Emploi n°2012-03 du 10 février (en pdf)

Même si tout cela vous semble rébarbatif, dans la mesure où vous seriez concerné(e), nous vous en recommandons vivement la lecture.

En début d'année, Nicolas Sarkozy a dit : «Ceux qui n'ont plus d'activité professionnelle depuis au moins deux ans, tous sans exception [en réalité, 250.000] se verront proposer soit une formation [supposée qualifiante], soit un emploi [en réalité, un pauvre CUI], soit un processus de resocialisation [???]».

Il s'agissait donc, pour faire croire qu'il lutte contre un chômage qu'il avait promis de ramener à 5% en fin de mandature, de faire recevoir par Pôle Emploi d'ici les élections, après écrémage, quelque 250.000 chômeurs de longue durée toujours inscrits en catégorie A afin de les en extirper pour embellir les chiffres, soit en les faisant basculer dans la catégorie D (stage, formation), soit en les passant en catégorie E (contrat aidé), soit… en les radiant. Car vous noterez que, dans les termes de cette instruction, l'emploi du futur — «bénéficiera», «sera», «pourra», «devra»… — jumelé au mot «proposé» ne souffre aucune contestation : essayez de refuser gentiment, juste pour voir.

Un questionnaire de 15 pages

Nombre de chômeurs de longue durée ont déjà été convoqués — individuellement, mais surtout collectivement — par Pôle Emploi qui, bien qu'il n'ait pas grand chose voire rien du tout à leur proposer, est bien obligé d'obéir aux ordres de not’ président brasseur d'air. Jusqu'ici, rien à signaler.

Sauf que depuis quelques jours, cette assignation de masse s'est sophistiquée. Suite à cette instruction, en plus de leur convocation, des chômeurs de longue durée reçoivent un impressionnant questionnaire intitulé «Diagnostic Socioprofessionnel Approfondi», qu'ils doivent soigneusement remplir afin de le remettre lors de l'«entretien individuel approfondi» auquel ils sont conviés. Il comporte 15 pages de questions très précises sur les recherches effectuées, les méthodes utilisées, les points forts, les points faibles, vos qualités, les connaissances de votre secteur professionnel, etc... C'est beau comme du Big Brother. Et en fin de «parcours», en bas du formulaire figure la mention «Atelier de diagnostic renforcé», prestation visant à «réaliser un "diagnostic social et professionnel" pour lever ces obstacles autour d'outils comme le programme de formation "compétences clés"».

On note que le Diagnostic Socioprofessionnel Approfondi (DSA) est un dispositif issu de l'expérimentation du RSA dans certains départements. Et à propos du RSA, nous vous rappelons qu'un décret durcissant les sanctions aux allocataires vient de paraître. Jusqu'au bout de son mandat, Nicolas Sarkozy se sera acharné sur les plus fragiles et les plus démunis, victimes d'une crise dont il est le complice.

Depuis 2007, bien trop occupé à faire des cadeaux fiscaux aux entreprises et aux particuliers les plus riches, Nicolas Sarkozy n'a pas eu le temps de supprimer l'ASS en la fusionnant avec le RSA. Mais, dans le traitement, on voit qu'il tente un rapprochement maximal entre les deux minima sociaux.

Quelles incidences ?

Il est tout à fait possible que certaines agences ne jouent pas le jeu et optent pour la résistance passive. En effet, le personnel de Pôle Emploi a été copieusement martyrisé par la fusion ANPE-Assedic que Nicolas Sarkozy a initiée en dépit du bon sens : le président-candidat est en bout de course, et son impopularité est grande. De même, Pôle Emploi n'a matériellement pas le temps de recevoir individuellement chaque chômeur de très longue durée et d'assurer ensuite son suivi «renforcé». Enfin, le budget consacré à cette opération pré-électorale est dérisoire (par exemple, n'ont été débloquées que 16.000 entrées en formation supplémentaires). Vous vous retrouverez donc en entretien collectif et, comme les autres, remettrez votre questionnaire dûment rempli qui finira dans une pile où nombreux seront les demandeurs d'emplois dont «la situation ne nécessite pas d'orientation ou d'analyse plus approfondie».

Mais il est possible, en dépit du temps et de la paperasse qu'elles devront consacrer pour cette injonction, que certaines agences fassent du zèle. Un conseiller épluchera votre questionnaire et appliquera à la lettre ce qui est prévu dans le «parcours» : signature d'un contrat aidé, orientation vers une formation sur un «métier en tension» ou vers une «POE», placement sur une prestation visant à vous "remobiliser" malgré vos «difficultés sociales» et, pourquoi pas, à vous "réinsérer" via un GEIQ ou une SIAE, chevilles ouvrières du «processus de resocialisation» évoqué par not’ président. (Sans compter que les GEIQ et les SIAE peuvent vous "réinsérer" en vous apprenant aussi bien à ramasser et couper des choux-fleurs qu'à trier des ordures dans une usine de déchets ménagers...)

A moins d'être totalement à la dérive, dans tous les cas, il s'agit de vous rééduquer par le travail, quitte à être sous-employé(e) et/ou sous-payé(e). C'est pour votre bien, disent-ils. En vérité, c'est surtout pour le bien des profiteurs du système économique : vous êtes des "mondialisés de l'intérieur", nos Chinois ou nos Indiens à nous, une réserve de main d'œuvre à bas coût qui peut être contrainte et forcée, en dépit des conventions internationales et de nos textes fondateurs.

Si vous avez reçu ce questionnaire, si vous avez des angoisses,
n'hésitez pas à témoigner ou intervenir sur notre forum.

SH

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