mardi 21 février 2012

Thierry Gaubert, un homme du Président cerné par le fisc et Tracfin



L’horizon judiciaire n’est pas près de s’éclaircir pour Thierry Gaubert. L’ami et ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy est déjà dans l'attente d’un jugement pénal dans le scandale immobilier du “1 % logement” et mis en examen pour « recel d’abus de biens sociaux » et « subornation de témoin » dans l’affaire Takieddine. Au cœur d’un divorce avec la princesse Hélène de Yougoslavie qui lève le voile sur quelques secrets de la République, il est aussi, depuis peu, dans la ligne de mire du fisc et de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances.

Les multiples découvertes des juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, en charge de l’affaire Takieddine, sur les avoirs occultes en Suisse, aux Bahamas ou en Colombie de M. Gaubert ont conduit, mi-février, la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF) à ouvrir une enquête sur son compte, d’après des documents et témoignages réunis par Mediapart. Le contrôle fiscal visant Thierry Gaubert, appelé « examen contradictoire de la situation fiscale personnelle » dans le jargon de Bercy, porte sur les années 2008, 2009 et 2010.

Ziad Takieddine, Dominique Desseigne et Thierry Gaubert.© Photo Mediapart

En parallèle, la cellule Tracfin du ministère des finances a saisi, le 27 juillet 2011, le parquet de Nanterre de soupçons de « blanchiment de fonds issus d’une activité délictueuse » après avoir constaté plusieurs flux financiers suspects entre M. Gaubert et le marchand d’armes Ziad Takieddine. Le rapport de Tracfin, qui décortique dix-huit mois (janvier 2010-juillet 2011) de transactions obscures entre les deux hommes par le biais de sociétés offshore et de comptes à l’étranger, a également été transmis en septembre dernier aux juges Van Ruymbeke et Le Loire.

Protégé du président de la République, dont il fut l’un des plus proches collaborateurs à la mairie de Neuilly puis au ministère du budget, Thierry Gaubert est plus que jamais devenu un ami encombrant. Les investigations menées par la justice dans l’affaire Takieddine, qui lui valent déjà une mise en examen pour avoir convoyé des fonds occultes quand il travaillait sous l’autorité de M. Sarkozy à Bercy (1993-95), ont ainsi permis de mettre au jour l’étendue de ses activités cachées et des revenus qui en découlent, jusqu’à une période très récente.

Comptes en Suisse, palais en Colombie, trust aux Bahamas… : le fisc a décidé de se pencher sur cette fortune qui lui échappe depuis tant d’années. Interrogé le 21 septembre 2011 par les policiers sur ses comptes à l’étranger, M. Gaubert n’a d’ailleurs pas mis longtemps à reconnaître l’une de leur finalité principale, la dissimulation.

MM. Hortefeux et Gaubert

« Pourquoi avoir des comptes à l’étranger ? », demande le capitaine de police qui interroge Thierry Gaubert, placé en garde à vue.

« Je fais de temps en temps des affaires avec des gens à l’étranger », répond l’intéressé.

« Est-ce dans le cadre d’une activité non déclarée, illégale ? », poursuit l’enquêteur.

« Oui », répond M. Gaubert. Qui ajoute : « Dans le cadre de projets immobiliers, je touche des commissions lorsque je trouve un acheteur ou un vendeur. Je fais cela depuis plusieurs années, environ quinze ans. »

« C’est donc bien pour éviter de déclarer des revenus illégaux que vous avez créé des comptes à l’étranger ? », insiste le policier.

« Oui. C’est pour la taxation », avoue l’ami du président.


« Je ne voulais pas que cela apparaisse officiellement en France »


MM. Sarkozy et Gaubert

Thierry Gaubert a ouvert, ces dernières années, au moins deux comptes en Suisse, ont d’ores et déjà pu établir les enquêteurs. Le premier l’a été en mai 1995 à la banque Safdié de Genève par le biais d’une sociétéoffshore, Grayson Holding, immatriculée dans les îles Vierges britanniques, un paradis fiscal. Baptisé “Legris”, ce compte a vu transiter au fil des ans d’importantes sommes d’argent que M. Gaubert venait retirer discrètement en espèces.

« Je me souviens de Thierry Gaubert comme d’une personne très discrète, qui parlait peu (…) Il est exact qu’il est venu plusieurs fois à la banque pour retirer des sommes en liquide. Il me téléphonait pour m’avertir », a expliqué en octobre dernier Mauricio Safdié, l’ancien dirigeant de la banque, à un procureur de Genève. D’après un document de la banque en notre possession, le compte “Legris” n’était plus crédité en octobre 2011 “que” de 23.800 euros.

L’autre compte suisse de M. Gaubert a été hébergé par la banque Pictet jusqu’en 2001 date à laquelle il a été “déménagé” aux Bahamas. Le titulaire de ce compte est un «trust» à la tête duquel M. Gaubert a placé son ex-femme, la princesse Hélène de Yougoslavie. « Thierry m'avait simplement expliqué que les Bahamas étaient le meilleur moyen de se cacher et que jamais la police et le fisc ne pourraient retrouver ce qu'il avait caché aux Bahamas », a expliqué la princesse, le 8 septembre 2011, aux policiers. Elle a ajouté qu’elle n’avait « jamais signé aucune déclaration de revenus lors de (son) mariage ».

La demeure colombienne de T. Gaubert© Mediapart

Le “trust” aux Bahamas, dont les policiers ont découvert l’existence lors d’une perquisition au domicile et au bureau de Thierry Gaubert au siège du groupe Banque populaire/Caisses d’épargne, a été baptisé “Cactus”. Comme le palais en Colombie dont M. Gaubert est le propriétaire depuis dix ans par le truchement d’une sociétéoffshore. Un autre bien qu’il soustrait depuis à la curiosité du fisc français, ainsi que Mediapart l’a déjà raconté.

Dans le petit village de Nilo, au sud de Bogota, Thierry Gaubert a également investi dans un bar au nom évocateur, le Nibar, tandis que son associé sur place ouvrait le Nichon, un bar situé à quelques dizaines de mètres…

Lors de perquisitions, les policiers français ont aussi mis la main sur un mystérieux virement d’octobre 2010 du marchand d’armes Ziad Takieddine en faveur du compte “Cactus” de Thierry Gaubert pour un montant total de 72.221 euros. Face aux enquêteurs, M. Gaubert a livré une explication pour le moins transparente : « Je ne voulais pas que cela apparaisse officiellement en France, que ce soit sur l’un de mes comptes bancaires voire en cash. »

D’après Thierry Gaubert, le solde de son compte au Bahamas « est actuellement de un million d’euros, mais je ne m’en occupe pas ». « C’est un compte qui dort », a-t-il assuré aux enquêteurs, le plus sérieusement du monde.

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