jeudi 2 février 2012

Étudiants étrangers en France : le devoir de désobéissance



La situation imposée en France, depuis plusieurs mois, aux étudiants étrangers, est ubuesque. Ubuesque, et particulièrement nocive, pour notre pays comme pour les individus. En voici, concrètement, l'un des aspects.

Un des principes de base, appliqué quasi-systématiquement par l'administration depuis la "Circulaire Guéant", est : "l'étudiant doit quitter le territoire national aussitôt le diplôme obtenu".

Peu importe que l'étudiant ait une promesse d'embauche (même sous forme de CDI), ou qu'il soit un jeune chercheur dont la soutenance de thèse marque moins "l'obtention du diplôme" qu'une étape dans une carrière très souvent internationale.

La conséquence de cette politique menée par l'administration est catastrophique, pour les individus, engagés souvent depuis des années dans des projets et des constructions à long terme, pour les entreprises qui ont entrepris les démarches pour les recruter, pour la science française, déconsidérée et à terme ostracisée.

La loi proprement dite n'impose pas de telles pratiques. Selon les propres termes d'un haut responsable de la Préfecture de Police, " il n'y a aucun problème à renouveler pour un an le titre de séjour d'un étudiant qui vient de soutenir sa thèse ". Aucun problème… sauf que l'administration le refuse quotidiennement.

Pratiques qui s'apparentent à un abus de pouvoir. Pratiques qui ressemblent fort à une politique de "préférence nationale", et qui sont contraires, oh combien, à "l'intérêt national" au sens large. Pratiques qui sont l'exact contraire de toute la tradition de notre pays, de ce qui a contribué à la place qu'il occupe encore dans la science internationale.

Pratiques qui nous imposent, toutes les fois que nous le pouvons, le devoir de désobéissance.

C'est ainsi que j'ai saisi publiquement le Premier ministre, il y a quelques jours, du cas d'un jeune mathématicien biélorusse que je connais bien, qui soutient sa thèse le 2 février, et dont le titre de séjour expire le 7 (voir ma lettre au Premier ministre). On lui a bien sûr refusé un processus de naturalisation, qu'il avait tenté sur le conseil de son université puisque, encore une fois, la pratique administrative impose qu'il quitte le territoire national dès l'obtention du diplôme.

Le Cabinet du Premier ministre comporte sans doute quelques universitaires responsables, qui savent ce que "recherche scientifique" veut dire : à la suite de ma lettre le jeune mathématicien a été invité à se rendre à la Préfecture de Police le 6 février prochain, 4 jours après sa soutenance, 1 jour avant l'expiration de son titre de séjour, pour envisager comment prolonger son autorisation de séjour. Nous nous en réjouissons, mais suivrons très attentivement les suites données à cette affaire.

J'invite tous les lecteurs de Mediapart qui veulent participer à la lutte contre la bêtise et la malfaisance qui prévalent dans ce domaine, à se reporter au site "Université Universelle" et à participer, dans toute la mesure de leurs possibilités, aux initiatives répertoriées sur ce site.

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