vendredi 9 décembre 2011

Quand le président donne l'extrême-onction, ou les limites du story-telling



Nicolas Sarkozy est allé rendre hommage au policier mort en service, à Vitrolles. Il annonce avoir été à l'hôpital pour partager "ses derniers instants de vie". Puis il annonce avec douleur le décès du policier, qu'on vient d'apprendre.

Peut-on, dans un moment aussi dramatique, arranger la réalité, pour qu'elle soit conforme à un plan de communication ?


C'est ce que dénonce Olivier Bonnet, journaliste indépendant, qui a interrogé Marc Louboutin, ancien policier devenu journaliste et écrivain…

Selon Louboutin, le policier était mort, au sens clinique du terme, quand le président a décidé de sa visite à Marseille, 20 heures auparavant.

Voici ce qu'il déclare :
« Tu veux savoir si, pour des raisons de communication politique, Sarkozy a décidé de l’heure de la mort d’un homme ? Eric Lalès était dans un état désespéré depuis hier après-midi. Après une discussion avec les médecins, sa femme a demandé à ce qu’on le débranche. Il était en état de mort clinique, de mort cérébrale. L’annonce de sa mort est tombée en même temps que celle de la visite de Sarkozy : tu imagines que ça tombait mal… Les réseaux sociaux de policiers ont pleuré sa mort hier soir à partir de 23h. Comment se fait-il que le président de la République puisse « partager les derniers instants » de ce policier 20 heures plus tard ? Les politiques ont demandé à ce que la nouvelle ne soit pas annoncée. Sarkozy n’a pas vu Eric Lalès vivant. » A l’hôpital, un membre du personnel, qui craint pour sa place, confirme anonymement.

Une version confirmée par Bénédicte Desforges, flic elle aussi, qui rend un hommage à son collègue en concluant :

"c’était un impossible combat, et la vie a fini par l’abandonner dix jours après. Deux fois à quelques heures d’intervalle... Et la seconde fois, on a entendu un bruit terrible sous la terre, partout en France. C’était le bruit que font les flics morts quand ils se retournent dans leur tombe."

Bien sûr ce n'est qu'un détail, un petit arrangement avec la réalité, qui ne change pas grand chose au fond du problème : l'augmentation de la violence dans l'affrontement entre délinquants et représentants de l'ordre.

Mais quel cynisme effroyable chez ces politiques en campagne… Comme si le drame n'était pas si important qu'on puisse l'arranger au mieux de son intérêt, de son image… Annoncer l'horrible vérité n'était pas assez beau pour le candidat… il fallait fabriquer une histoire, l'héroïque héros qui meurt dans les bras du président, qui attendait cette visite avant de partir, comme pour recevoir une extrême-onction.

Quel crédit accorder à un tel homme qui semble n'être qu'une machine électorale, prête à jouer avec ce qu'il y a de plus respectable, le sacrifice d'un héros ordinaire ?

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