lundi 26 décembre 2011

Les 7 péchés capitaux du sarkozysme 1 : L'envie







À quatre mois de la présidentielle, Mediapart revisite les moments clés de la présidence Sarkozy. Ou plutôt, les 7 péchés qui auront fait de cette présidence une caricature de tous les travers de la Ve République et de son présidentialisme. Un président cerné par les affaires (la gourmandise), en échec sur le pouvoir d'achat (l'avarice), au vernis culturel démenti chaque jour (la paresse), au service des riches (la luxure) et à l'égo surdimensionné (l'orgueil). Un président qui n'a pas retenu les leçons de ses échecs diplomatiques (la colère) et qui est prêt à diffuser les idées de l'extrême droite pour garder le pouvoir (l'envie). Afin de poursuivre cette revisite du quinquennat, Mediapart publie le 19 janvier prochain Finissons-en!, Faits et gestes de la présidence Sarkozy (vol.2) − aux éditions Don Quichotte −, qui dresse l'inventaire détaillé de cette présidence, avec une chronologie de quelque 300 dates et une cinquantaine d'articles rédigés par l'ensemble de la rédaction. Un travail minutieux et exhaustif, suite directe du premier ouvrage collectif de Mediapart,N'oubliez pas!, bilan du sarkozysme à mi-mandat.



Le pouvoir et l'envie d'y rester. Menacé, affaibli, Nicolas Sarkozy sait rebondir, le plus souvent à sa droite. La crise économique frappe le pays? Durant l'hiver 2009-2010, en amont des régionales, il fait diversion avec un débat sur l'identité nationale stigmatisant les musulmans. Les affaires Bettencourt et Karachi secouent le pouvoir? À l'été 2010, il opère un virage ultrasécuritaire avec un nouveau bouc émissaire: les Roms. La remontée du FN menace l'UMP? En mars 2011, juste avant les cantonales, le parti présidentiel organise un débat sur l'islam. Et pour détourner l'attention des plans d'austérité de la rentrée 2011, le chef de l'État lance une fronde contre les allocataires sociaux, accusés d'être en partie des «assistés» ou des «profiteurs».
Cette stratégie, développée tout au long du quinquennat, est l'application des thèses de Patrick Buisson, ancien journaliste d'extrême droite et conseiller de l'ombre du président. Celui-là même qui avait orchestré le siphonnage des voix du Front national, l'un des ingrédients de la victoire de 2007. Cela pourrait se résumer ainsi: le pouvoir au prix de l'extrême droite au pouvoir.

Patrick Buisson est peu loquace. Mais il faut lire cette interviewqu'il donne à Paris Match, le 29 mars 2011. Il y explique la montée du FN par «la prolophobie des élites» et déroule les trois grandes lignes de son plan de bataille: «Sur l'immigration, beaucoup plus de fermeté (c'est la nouvelle politique Guéant). Sur l'identité nationale, un débat qui débouche enfin sur des actes politiques lourds comme un nouveau code de la laïcité. Enfin, sur le pouvoir d'achat, il plaide pour une grande loi de réhabilitation du travail. Elle lutterait contre l'assistanat en réservant par exemple le RSA et le RMI aux bénéficiaires qui ont un travail.» C'est précisément ce plan qu'a mis en œuvre Nicolas Sarkozy et, derrière lui, l'UMP.

Deux dates le symbolisent: le 2 novembre 2009, lorsque s'est ouvert le débat sur l'identité nationale, transformé en défouloir raciste; le 30 juillet 2010, lorsque Nicolas Sarkozy prononce le discours de Grenoble qui distingue deux catégories de Français, établit un lien entre la délinquance et «cinquante années d'immigration insuffisamment régulée» puis annonce une batterie de mesures sécuritaires





S'ajoutent à cela des dizaines et des dizaines d'épisodes emblématiques:l'ouverture à droite de la majorité présidentielle (à Philippe de Villiers et aux chasseurs de Frédéric Nihous), la création de la Droite populaire et ses sorties sulfureuses, les attaques de Claude Guéant envers l'immigration légale, les multiples amendements droitiers de l'UMP (les tests ADN pour le regroupement familial, l'extension de la déchéance de la nationalité, la remise en cause du droit du sol à Mayotte), le discours de Nicolas Sarkozy à Bordeaux sur la lutte contre la fraude sociale, cheval de bataille de Marine Le Pen.

Et puis il y a tous ces mots du Front nationalprononcés par la bouche de l'UMP et dont la récurrence empêche de les considérer comme des dérapages. À commencer par les déclarations de l'actuel ministre de l'Intérieur, copiées-collées des thèses du FN (exemple dans cette vidéo à 7'). Mais cette extrême-droitisation n'est plus le seul fait d'un ministre et d'une minorité rangée sous l'étiquette “Droite populaire”. Elle touche le sommet de l'État, plusieurs ministres, des élus de tous les échelons. Elle ne se concentre plus sur le thème de l'immigration, elle déteint sur la vision du social, de la religion, des banlieues, de l'islam, de la famille, de la nation.

À droite, certains ont osé dire le mot: «lepénisation» de la majorité (ici, ou encore là et ici). Les incriminés s'en défendent. Pourtant, mis bout à bout, ces mots et ballons d'essai construisent un paysage idéologique cohérent qui fabrique le terreau du FN. Marine Le Pen n'a-t-elle pas dit «merci» à Claude Guéant, après lui avoir déjà proposé une «carte d'adhérent de prestige»? Le ministre de l'Intérieur ne nie pas cette chasse sur les terres frontistes: «Si des électeurs du Front national trouvent que je réponds à leurs attentes, j'en suis content», a-t-il commenté après ses attaques contre les étrangers en situation régulière. «Quand le FN est à 25%, les responsables de l'UMP parlent comme le FN», répète la patronne du FN.







Haro sur la fraude sociale

Au fil du quinquennat, Mediapart a recensé les indicateurs de cette chasse sur les terres du Front national:

Depuis mai 2011: Le BuissonScope de Mediapart
Mediapart dresse la liste, au jour le jour, des ballons-sondes, messages subliminaux − ou pas subliminaux du tout − de l'Élysée aux électeurs du FN, inspirés par le conseiller du président Patrick Buisson.

17 novembre 2011. Les mots du FN dans la bouche de l'UMP: l'inventaire (enquête)
Mediapart a épluché cinq ans de mots et de mesures à la droite de l'échiquier politique. Sur de nombreux sujets, le résultat se superpose étrangement.

15 novembre 2011. «Sarkozy: haro sur la fraude sociale»

Nicolas Sarkozy fait de la lutte contre la fraude sociale un thème de campagne en s'attaquant violemment aux allocataires sociaux, accusés d'être en partie des «assistés» ou des «profiteurs». Il concurrence ainsi le FN, qui en a fait son cheval de bataille. Et s'appuie sur ses ministres Thierry Mariani et Laurent Wauquiez, qui ont copié-collé la formule de Marine Le Pen: «les profiteurs du bas» (lire aussi notre portrait Wauquiez ou la «Droite sociale» ultralibérale).

9 novembre 2011. Guillaume Peltier, le bébé Buisson de l'UMP(portrait)
Il est le nouveau “M. Sondages” de l'UMP, déniché par Brice Hortefeux et Patrick Buisson. Celui qui souffle idées et formules aux parlementaires et ministres. Ancien du FN et ex-bras droit de Philippe de Villiers, Guillaume Peltier veut se rendre indispensable à Nicolas Sarkozy avec une stratégie de reconquête à droite toute.

8 août 2011. Thierry Mariani, le ministre qui a «ouvert la boîte de Pandore» (portrait)
Il s'est façonné un profil de “Monsieur Immigration” et a créé, il y a un an, la Droite populaire pour faire entendre l'aile droitière de l'UMP et se propulser au gouvernement. Promu ministre des Transports en juin, Thierry Mariani tente désormais de freiner ses troupes. Tout en faisant pencher la balance à droite pour 2012. Portrait de l'élu du Vaucluse.

27 juillet 2011. FN-Droite populaire, des concurrents qui pourraient devenir alliés (enquête)
Eux estiment incarner une «droite de conviction» qui «défend le peuple». Elle aspire à faire du FN un «pôle de rassemblement patriote». Entre les 44 députés de la Droite populaire et Marine Le Pen, il n'y a qu'un fil. L'aile dure de l'UMP est-elle, comme elle le prétend, une «digue» contre le FN, ou une passerelle? Pour Christian Vanneste, «la balle est dans le camp de Marine Le Pen».
7 juillet 2011. À la convention UMP sur l'immigration, militants et élus se lâchent (reportage)
Dans le cadre de la préparation de son projet 2012, l'UMP organise une convention sur l'immigration. Voulu par Jean-François Copé, ce colloque a pour but implicite de satisfaire l'aile droite du parti, qui s'estime négligée par le recentrage de Nicolas Sarkozy. Mais cette convention sert d'exutoire pour des militants et des élus locaux très remontés, dans la lignée du débat sur l'identité nationale et de celui sur l'islam. Récit et décryptage des propositions.

5 juillet 2011. Du communautarisme à l'assimilation: Sarkozy vire de bord − 5 juillet 2011 (enquête)
Au concept d'intégration des immigrés, la majorité présidentielle préfère celui d'assimilation. Alors que le premier recouvre l'idée d'efforts réciproques entre la société d'accueil et l'étranger, le second renvoie au fait d'abandonner sa culture d'origine. Pour Nicolas Sarkozy, le revirement est de taille: il y a moins de dix ans, il défendait les quotas et la discrimination positive, se faisant taxer de communautarisme.

5 mai 2011. Les huit régressions du projet de loi immigration

Le retrait de la déchéance de la nationalité n'y change rien. Le projet de loi sur l'immigration, l'intégration et la nationalité intègre une série de mesures restreignant les droits des étrangers, parmi lesquelles la mise en danger des étrangers malades, la hausse de la durée maximale d'enfermement dans les centres de rétention administrative, la limitation du rôle des juges des libertés, l'instauration d'un bannissement du territoire européen, la création de zones d'attente mobiles ou encore l'exonération des employeurs de sans-papiers considérés comme de «bonne foi».

11 avril 2011. Les “droitiers” de l'UMP refusent de voir le débat sur l'islam enterré
La Droite populaire surveille la polémique sur l'islam comme le lait sur le feu et remet les pieds dans le plat, avec l'audition à l'Assemblée d'un aumônier ultra de l'armée, qui refuse de se «déculotter» devant l'islam.




Le débat sur l'identité nationale, défouloir raciste de l'UMP

7 avril 2011. Claude Guéant, porte-drapeau des thèses d'extrême droite
Dérapages? Non. Maladresses? Non plus. Le premier flic de France agit en connaissance de cause quand il s'empare des questions migratoires et religieuses. Ses déclarations construisent un paysage idéologique cohérent salué par Marine Le Pen.

11 mars 2011. Immigration, islam: matières hautement inflammables
Nicolas Sarkozy a allumé le feu avec les questions sécuritaires, migratoires, identitaires et religieuses. En réaction aux propos de son conseiller chargé de la diversité, Abderrahmane Dahmane, qui a déclaré que «l'UMP de Copé, c'est la peste pour les musulmans», le chef de l'État a décidé de le limoger, tout en laissant Marine Le Pen occuper le terrain.

3 mars 2011.
L'UMP déroule le tapis rouge pour Zemmour(reportage)
Le journaliste Éric Zemmour, condamné pour provocation à la haine raciale, est l'invité vedette d'un colloque des “réformateurs” de l'UMP, à l'Assemblée nationale. Il est ovationné par des parlementaires. Récit.

22 février 2011. Immigration, identité nationale: Sarkozy est«enfermé dans un piège» (entretien)
Pour le politologue Pierre Martin, le chef de l'État est «prisonnier des pressions d'un noyau de militants» mais aussi de l'image qu'il s'est donnée depuis 2002. Son étude démontre que «le virage sécuritaire de l'été, le discours de Grenoble, les expulsions de Roms, etc., n'ont pas profité à Nicolas Sarkozy».

1er octobre 2010. Maxime Tandonnet, la plume trempée dans l'extrême droite de Sarkozy (portrait)
Jusqu'en août 2011, Maxime Tandonnet fut le conseiller “immigration” de l'Élysée. À l'origine du discours de Grenoble, il affirme que «la plupart des délinquants sont d'origine étrangère, relativement récente». Enquête sur ce pourfendeur du métissage, qui a fréquenté Chevènement, Pasqua, puis de Villiers.

13 septembre 2010. Circulaire sur les Roms: Hortefeux pris à son propre piège
Après avoir été condamné en première instance pour injure raciale, Brice Hortefeux récidive avec une circulaire témoignant du caractère discriminatoire de la politique menée à l'égard des Roms. Adressé le 5 août 2010 aux préfets, ce texte est tellement embarrassant pour lui qu'il a jugé utile d'annoncer, le 13 septembre, qu'il avait «tenu à signer personnellement» une nouvelle version afin de «lever tout malentendu sur une éventuelle stigmatisation».

6 septembre 2010. Déchéance de nationalité: Sarkozy n'assure plus l'égalité de tous devant la loi

Moins de 48 heures après les manifestations contre la «xénophobie d'État» qui ont rassemblé, partout en France, des dizaines de milliers de personnes, Nicolas Sarkozy a tranché: l'Élysée a fait savoir qu'il souhaitait que la déchéance de nationalité s'applique aux personnes «qui portent atteinte à la vie d'une personne dépositaire d'une autorité publique, en particulier les policiers et les gendarmes».

30 juillet 2010. Discours de Grenoble: Sarkozy cherche un rebond à son extrême droite
Le discours ultradroitier prononcé à Grenoble par Nicolas Sarkozy vise à clore la séquence de “l'affaire Bettencourt-Woerth”. Mais la batterie de mesures annoncées (extension des peines planchers, peines de 30 ans de prison incompressibles pour les assassins de policiers, etc.) sert aussi d'appât pour les sympathisants du FN.

30 novembre 2009. Le débat sur l'identité nationale, défouloir raciste de l'UMP
Lancé le 2 novembre 2009, le débat sur l'identité nationale s'est transformé en défouloir xénophobe d'une partie de la population, encouragée par le discours de certains dirigeants de la majorité. Inventaire.

10 septembre 2009. Brice Hortefeux franchit la ligne jaune/Le ministre indigne de la République
Une université d'été UMP, un ministre de l'Intérieur prenant une photo avec un jeune militant arabe sous l'œil amusé du patron des députés de la majorité. Et le désormais tristement célèbre «Quand il y en a un, ça va, c'est quand il y en a beaucoup que ça pose des problèmes», qui en dit long sur l'idéologie de Brice Hortefeux. Le ministre n'en est pas à son premier fait d'armes.

8 mai 2008. Identité nationale et immigration: un an de dérapages contrôlés
Premier anniversaire du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Une loi a été votée, des circulaires ont été envoyées, des discours prononcés. Obsession des expulsions et offensive contre l'immigration familiale: la politique mise en œuvre banalise la méfiance à l'égard des étrangers. Sans parvenir à rendre le pays attractif pour les immigrés les plus qualifiés, ceux-là mêmes que le chef de l'État s'est engagé à attirer.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire