samedi 3 décembre 2011

La lutte pour l’eau des Palestiniens dans la Vallée du Jourdain (Dissident Voice)

photo : un des trois puits palestiniens détruits par l’armée israélienne le 8 sept. 2011 près de Naplouse

Devant le Congrès américain en mai, le premier ministre Benjamin Netanyahu a dit qu’Israël maintiendrait longtemps sa présence dans la Vallée du Jourdain en Cisjordanie. Le mois suivant l’armée israélienne intensifiait ses attaques contre les puits des Palestiniens qui y vivent.


Le 14 novembre deux puits ont été démolis à Baqa’a, à l’est de Tammun, enlevant illégalement à des centaines de familles la possibilité d’irriguer leurs terres. Le 13 octobre, des fermiers ont reçu des ordres de démolition pour plusieurs puits de Kufr al-Deek, un village de la ville de Salfit près de Naplouse. En septembre les troupes israéliennes ont démoli 6 puits appartenant à des communautés bédouines palestiniennes dans la Vallée du Jourdain et ont menacé d’en démolir 6 autres. Dans tous les cas les actions unilatérales des forces d’occupation israéliennes (FOI) sont clairement illégales parce que ces puits ont été construits avec l’autorisation de l’Autorité Palestinienne dans des secteurs de la Vallée qui sont supposément sous contrôle civil et militaire palestinien exclusif.

L’injustice est particulièrement flagrante dans la Vallée du Jourdain. Le 8 septembre, 50 jeeps, camions et bulldozers de l’armée ont encerclé Al Nasarayah, l’ont déclaré zone militaire sécurisée, ont procédé à la destruction illégale de 3 puits et ont confisqué le matériel d’adduction de l’eau attenant, les pompes qui ont coûté 40 000 dollars chacune à installer. Cinq jours plus tard, l’armée d’occupation est revenue à Al Nasarayah pour démolir 2 autres puits en s’arrêtant en chemin pour détruire encore un puits à l’est de Tamoun. Le jour suivant, les soldats des FOI sont entrés dans le village de Al- Fa’ara, près de Naplouse pour photographier 6 autres puits qu’ils ont l’intention de démolir et prendre leurs coordonnées GPS.

Les actions des Forces d’Occupation sont illégales en vertu du droit israélien, palestinien et international parce que ces 6 puits avaient les permis nécessaires de l’Autorité Palestinienne et qu’ils se trouvaient dans les 5% de la Vallée du Jourdain qui ont selon les Accords d’Oslo de 1994 le label de zone A sur lequel l’Autorité Palestinienne a les pleins pouvoirs civils et militaires. La raison pour laquelle les Israéliens se livrent à ces actions apparaît au grand jour dans le contexte d’autres décisions israéliennes récentes —le projet, annoncé en septembre, de déraciner et déporter environ 27 000 bédouins hors de la zone C de Cisjordanie (la plupart des Bédouins de zone C vivent dans la Vallée du Jourdain) et la décision de la Division des Colonies au début du mois de juillet d’octroyer 130% de terre cultivable supplémentaire aux colons de la Vallée du Jourdain et d’augmenter de 42 à 51 mètre cubes la quantité d’eau attribuée aux colons pour irriguer ces nouvelles terres.

Qu’ont en commun la destruction des puits des Bédouins palestiniens de la Vallée du Jourdain, le transfert des citoyens bédouins palestiniens hors de la Vallée du Jourdain et l’augmentation de la terre et de l’eau pour les colons de la Vallée du Jourdain ? Ensemble ces actions mettent en lumière la politique d’oppression et de nettoyage ethnique de la Vallée du Jourdain que les Israéliens mettent en oeuvre depuis que la Vallée est devenue une Territoire Occupé en 1967.

La question de l’eau est cruciale dans cette oppression —et cruciale dans la lutte des Bédouins palestiniens pour rester dans leur patrie et résister à l’occupation. En effet Israël ayant pris le contrôle absolu de l’exploitation et de la distribution de l’eau des 3 nappes aquifères qui se trouvent sous la Cisjordanie et qui desservent les deux côtés de la Ligne Verte, la population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza, et notamment la population bédouine de la Vallée du Jourdain, a vu se tarir progressivement les sources d’eau —qui autrefois coulaient à flot— autour desquelles ils avaient construit leurs villages et comme ils ne pouvaient pas creuser des puits suffisants à cause du blocage des administrations israéliennes, ils se sont trouvés dans l’obligation de payer à leur oppresseur des tarifs exorbitants pour avoir l’accès à un droit humain inaliénable de première nécessité.

La lutte pour l’eau est une question de vie et de mort encore plus cruciale pour les Bédouins de la Vallée du Jourdain que dans le reste de la Cisjordanie. Le "drainage" des droits palestiniens à l’eau dans la Vallée du Jourdain —pour reprendre le titre d’un rapport du Centre de Développement Ma’an— a une histoire longue et tumultueuse. Quand la Cisjordanie a été occupée en 1967, l’armée israélienne a établi un règlement militaire stipulant que toute l’eau de la Cisjordanie serait contrôlée par l’état et la société nationale des eaux, Mekorot, s’est approprié les nappes phréatiques et les puits en service de Cisjordanie pour l’usage d’Israël et de ses nouvelles colonies. Entre 1967 et les Accords d’Oslo de 1994, les Bédouins palestiniens de la Vallée du Jourdain ont d’abord vu leur terres puis leur eau disparaître derrières les grilles bien gardées des colonies où les colons disposaient de grandes quantités de la seconde pour faire fleurir la première.

La situation était de plus en plus désastreuse quand en 1995 il y a eu un rayon d’espoir avec l’Article 40 des accords d’Oslo II qui établissait un accord intérimaire qui devait être revu dans les cinq ans (mais qui est toujours en place aujourd’hui), selon lequel un quart des ressources en eau de Cisjordanie serait contrôlé par l’Autorité Palestinienne et un Comité conjoint des eaux serait instauré ; il aurait pour fonction selon les termes du rapport de la Banque Mondiale de 2009 intitulé ’Evaluation des restrictions du développement de l’eau palestinienne : Cisjordanie et Gaza’, "de contrôler la gestion des nappes phréatiques, les décisions étant prises à l’unanimité des deux camps".

Cependant Oslo a apporté avec lui de nouveaux systèmes d’oppression institutionnalisée. Depuis que Oslo I en 1993 a mis 95% de la Vallée du Jourdain en zone C (sous total contrôle militaire israélien) ni les communautés bédouines de la zone C, ni l’Autorité Palestinienne, ni le fourmillement permanent d’ONG internationales ne peut entreprendre de constructions de leur propre initiative et sans permis, parce que, comme le dit le mouvement, issu de la base, ’Solidarité de la Vallée du Jourdain’ : "Dans la zone C, l’accès aux services de base, comme celui de l’eau, est restreint grâce au système de permis dissuasif de l’Administration Civile Israélienne. Chacun sait qu’obtenir un permis pour construire quoi que ce soit —même pour de l’eau— est extrêmement difficile voire impossible. Cela empêche les Palestiniens de construire de nouvelles infrastructures et d’améliorer les installations existantes."

A ces dispositions oppressives qui ont pour but d’empêcher toute autonomie communautaire, s’ajoute le fait que les Bédouins palestiniens qui vivent dans les 95% de la Vallée du Jourdain en zone C sont privés de la possibilité d’améliorer leur accès à l’eau par trois systèmes de contrôle bureaucratiques en cascade —le Comité Conjoint des Eaux, où un groupe de décideurs israéliens et palestiniens autorise ou refuse l’accès à l’eau ou les projets de rénovation déposés par l’Autorité Palestiniennes des Eaux (pour les zones A, B et C) ; L’Administration Civile Israélienne qui, si un projet est accepté par le Comité Conjoint des Eaux, le soumet à une foule de restrictions techniques et de contrôles bureaucratiques qui ont pour effet de retarder sa mise en oeuvre pour ne pas dire l’empêcher complètement ; et là dessus, se greffe l’armée israélienne, qui, au gré de sa fantaisie et sans aucun respect des lois, ne cesse de détruire les puits, les réservoirs d’eau et l’infrastructure des communautés bédouines des zones A, B et C même quand ils ont les permis nécessaires.

Et donc les décisions consensuelles concernant l’eau promises par les accords d’Oslo II, se sont transformées dans la réalité en contrôle unilatéral institutionnalisé de l’opprimé par l’oppresseur car, étant donné la structure du contrôle israélien, il devient pratiquement impossible à l’Autorité Palestinienne et aux ONG de mettre en oeuvre des projets valables et durables de développement des infrastructures de la zone C de Cisjordanie.

Au niveau du Comité Conjoint des Eaux, selon le rapport ’Drainage’ de Mam’an, "le fait que les décisions doivent être consensuelles signifie en fait qu’Israël a un droit de veto sur les projets palestiniens... [de plus] Israël ne consulte pas ce Comité quand il tire l’eau des nappes aquifères pour son usage personnel (que ce soit pour les colonies israéliennes ou autre) en violation de la règle de gouvernance de l’Article 40. L’accès aux données sur l’usage israélien des ressources d’eau est dénié à l’Autorité Palestinienne tandis qu’Israël dispose de toutes les données sur les ressources en eau de Cisjordanie... Environ 150 projets concernant l’eau ou des installations sanitaires attendent d’être approuvés par le Comité ’pour des raisons techniques et sécuritaires’, et un seul projet d’un nouveau puits palestinien dans la nappe aquifère occidentale a été accepté depuis 1993. A l’opposé Israël peut construire des aqueducs vers ses colonies illégales sans passer par le Comité Conjoint pour l’Eau. On voit donc qu’Israël contrôle totalement les ressources hydrauliques de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Le rapport de 2009 de la Banque Mondiale confirme la réalité non-consensuelle du ’processus de décision consensuelle’ du Comité Conjoint des Eaux : "Le comité n’a pas rempli son rôle qui était de fournir un cadre approprié à la gestion et au développement conjoints des ressources... Les problèmes et les objectifs politiques ont limité le nombre des projets approuvés... De profondes dissymétries —de pouvoir, de capacité et d’information— ont remis en question le rôle du Comité en tant que Comité ’Conjoint’.... Israël prend des décision concernant l’eau unilatéralement et sans en référer au Comité... Seulement un tiers (en valeur) des projets présentés au Comité Conjoint entre 2001 et 2008 ont été réalisés... En conclusion : 1) Le processus est généralement très lent ; 2) le taux de rejection des projets de l’AP est élevé ; 3) le Comité Conjoint n’a presque jamais rejeté de projets israéliens (un seul n’a pas été approuvé) ; et 4) les projets de creuser des puits —et jusqu’à tout récemment — de construire des centrales d’épuration ont bénéficié d’un très faible taux d’approbations... Pour obtenir l’approbation de projets urgents concernant l’eau, l’AP est contrainte de faire des compromis contraires à sa politique générale. Une telle asymétrie dans l’équilibre des pouvoirs (Un des deux camps, Israël a pratiquement tous les pouvoirs et n’a pas d’impératifs d’urgence), ajoutée au constat des maigres résultats (en faveur des Palestiniens) obtenus par le Comité Conjoint, a engendré une perte de confiance des Palestiniens et une remise en question du bien fondé d’une approche ’conjointe’ de facto de la gestion des eaux."

Deeb Abdelghafar, le directeur des Ressources Hydrauliques de l’Autorité Palestiniennes des Eaux raconte comment "nous avons soumis notre demande il y a deux ans pour creuser des puits dans la partie nord de la Vallée du Jourdain [pour fournir] de l’eau aux particuliers et aux cultures et nous savons qu’ils l’ont étudiée mais nous n’avons toujours pas de réponse et nous ne sommes pas optimistes... Il y a plus de 80 puits agricoles qui ont besoin d’être restaurés dans la Vallée du Jourdain et le Comité Conjoint a gardé notre projet de restauration de ces puits pendant 4 ans avant de le refuser."

Même si le Comité Conjoint des Eaux approuvait un projet, sa mise en oeuvre serait handicapée par le fil rouge de l’Administration Civile israélienne, continue Abdelghafar : "L’étape la plus difficile du processus pour nous est l’Administration Civile parce qu’elle comporte plus de 14 départements et chaque département doit approuver le projet. Et nous ne pouvons jamais faire accepter un projet parce que certains départements l’approuvent et d’autres non". Ayman Rabi, directeur-adjoint du Groupe Hydrologique Palestinien pour le Développement des Ressources en Eau et de l’Environnement, une ONG qui travaille à l’amélioration des accès en eau et des installations sanitaires dans les Territoires Occupés palestiniens est aussi contrarié par la situation que Abdelghafar : "Il est très difficile maintenant de faire quoi que ce soit dans la zone C et c’est ce qui gêne le plus notre travail dans le secteur... nous devons demander des permis et nous les demandons généralement à l’AP et eux ils présentent notre demande au Comité Conjoint des Eaux... mais même si le Comité Conjoint approuve le projet, l’Administration Civile Israélienne réclame d’autres papiers, les démarches sont tellement longues et compliquées et ils font tellement de difficultés quand le projet est en zone C qu’on finit par se décourager de faire quoi que ce soit dans cette zone." Le rapport de la Banque Mondiale cite un contributeur anonyme qui se plaint des mêmes problèmes : " La première chose que nous demandons est une lettre de l’Autorité Palestinienne des Eaux approuvant le projet. Ensuite nous allons au Comité Conjoint. Puis il faut aller à l’Administration Civile —et un délai de 2 ou 3 ans est normal. En fait aucun de nos projets pour la zone C n’a jamais été accepté."

Etant donné que quasiment tous les projets de construction d’infrastructure en zone C sont écrasés dans l’oeuf par le double rouleau compresseur du Comité Conjoint des Eaux et de l’Administration Civile israélienne, les ONG sont obligées de concentrer leurs efforts, comme dit Abdelghafar, sur "les interventions civiles d’urgence —en fournissant de petits camions citernes et des citernes, en construisant des réservoirs pour recueillir l’eau de pluie— c’est de l’aide humanitaire d’urgence". Même si on ne peut nier qu’elle soit nécessaire, cette aide au coup par coup se fait au détriment de projets d’avenir de grande envergure qui s’attaqueraient aux racines des problèmes au lieu d’essayer seulement d’atténuer leurs conséquences. Selon le rapport de la Banque Mondiale : "Face à la difficulté de mettre en oeuvre des projets importants, il a semblé raisonnable de se tourner vers des projets d’urgence à court terme, souvent de petits projets menés par des ONG et ces petits projets constituent la plus grande partie du développement du secteur hydraulique... mais une multiplicité des petits donateurs et de projets rend la planification plus difficile... Les ONG ont l’avantage d’être présentes sur le terrain et de pouvoir répondre à la demande... Elles sont adaptables... mais travaillent à court terme et sur une petite échelle" (p.63).

Dans le village de Hamsa, près du check point de Hamra dans la Vallée du Jourdain, Abu Riyad, qui habite Hamsa depuis 30 ans avec sa famille doit maintenant aller très loin chercher de l’eau potable et de l’eau d’irrigation car deux énormes puits construits dans des colonies voisines ont asséché les sources auxquelles se sont approvisionnées des générations d’habitants de Hamsa. On peut lire dans le rapport ’Drainage’ de Ma’an : "Comme il n’a pas l’eau courante, Abu Riyad doit aller chercher de l’eau à Ein Shibleh. En plus il n’est pas sûr de la qualité de l’eau et il ne sait pas si elle a été traitée. Il ne paie pas l’eau mais cela lui coûte 200 shekels pour transporter 10 mètres cubes d’eau. Comme l’eau sert à tous les besoins de la famille, la boisson des hommes et des animaux, la lessive, etc... Abu Riyad doit transporter cette quantité d’eau tous les quatre jours. Avec l’augmentation du prix de l’essence, l’eau représente une dépense de plus en plus lourde pour la famille... la communauté reçoit très peu d’aide. Les ONG locales et internationales donnent parfois des bons pour avoir de l’eau ou des citernes gratuites mais c’est toujours pour une période limitée et cela ne procure qu’un soulagement temporaire.

De fait, Abu Riyad a de la chance de ne pas payer l’eau. Ayman Rabi du Groupe Palestinien d’Hydrologie se plaint que, dans beaucoup d’opérations humanitaires de son organisation "ceux qui reçoivent l’eau doivent participer aux frais, malheureusement. Cela ne nous plaît pas mais cela a été convenu avec l’Autorité palestinienne des Eaux. Nous avons demandé aux personnes de contribuer à hauteur de 10 shekels par mètre cube, bien que nous n’aimions cela, et nous leur remplissons leur citernes quand ils nous le demandent."

De nombreuses organisations, au lieu de fournir de l’eau, donnent des citernes aux communautés en péril pour que les Bédouins puissent aller chercher l’eau aux points d’eau. Mais en offrant des citernes au lieu d’amener l’eau courante à ces communautés, ces ONG, avec les meilleures intentions du monde, aggravent le problème en forçant les Bédouins à parcourir de longues distances, à travers une myriade de check-points, pour aller chercher de l’eau dans les zones A ou B où il y a toujours de l’eau. Le rapport de la Banque Mondiale critique le fait que "les check-points de l’occupation et les couvre-feux entravent sévèrement la circulation des camions citernes qui vont chercher de l’eau pour les communautés... il y a 36 check-points fixes en Cisjordanie, y compris le barrage du Mur de Séparation, qui affectent sérieusement l’accès aux communautés des camions-citernes et des équipes de maintenance... Etant donné les risques pour leur sécurité personnelle qu’encourent les chauffeurs et les longues heures de route, le prix de l’eau des camions-citernes à énormément augmenté".

On voit, avec le cas de Abu Riyad, à quel point cette pratique est devenue coûteuse pour un Bédouin qui n’a pas d’autre choix. Selon Fathy Khdirat de Solidarité de la Vallée du Jourdain, "utiliser des camions-citernes de cette manière coûte 30 shekels aux Bédouins pour un mètre cube d’eau alors que leurs voisins des zones A et B paient le mètre cube d’eau entre un demi et 3 shekels". Le maintien de cette inégalité fait l’affaire de l’Occupation en incitant les Bédouins à passer de la zone C en zone A ou B.

De plus, les aides d’urgence à court terme reviennent beaucoup plus cher aux ONG que ne reviendrait l’installation de conduites d’eau permanentes qui relieraient les Bédouins aux points d’eau. Pour une telle installation, il suffirait d’environ 7000 dollars, soit 10 % des 700000 dollars qui ont été récemment dépensés en aides d’urgence, selon Fathy Khdirat. Mais entre le Comité Conjoint des eaux, l’Administration Civile israélienne et l’armée d’occupation, il est impossible de construire des infrastructures hydrauliques permanentes pour les Bédouins, et donc les organisations d’aide humanitaire n’ont d’autre choix que de travailler dans le cadre restrictif et oppressif de la loi israélienne. Selon le rapport de la Banque Mondiale ; "au mieux, le rôle de l’AP se réduit à améliorer le service de l’eau et des sanitaires des communautés palestiniennes dans le cadre des contraintes imposées... les parties prenantes reconnaissent qu’un développement aussi contingent et morcelé est inefficace et onéreux mais il ne voient pas comment faire autrement".

Le système bureaucratique basé sur la corruption et la contrainte dans lequel les organisations civiles et politiques israéliennes et palestiniennes se débattent entraîne des atteintes aux droits humains sur le terrain en violation du Droit à l’Eau inscrit dans le Commentaire général n° 15 des articles 11 et 12 de la Convention de Genève sur les droits économiques, sociaux et culturels du Conseil économique et social de l’ONU de novembre 2002. Le document stipule que "le droit à l’eau comprend à la fois des libertés et des droits. Les libertés incluent le droit d’avoir un accès suffisant aux ressources d’eau existantes en toute liberté... à l’opposé les droits incluent l’accès à un système de distribution d’eau qui permette à tous de jouir du droit à l’eau de manière égalitaire". La Convention donne la liste des droits spécifiques à l’eau —le droits à ce que "l’eau soit physiquement accessible : l’eau et les installations et les services adéquats doivent être faciles d’accès pour tous les secteurs de la population. De l’eau potable doit être accessible en quantité suffisante... à proximité ou dans le voisinage immédiat de chaque famille, institution éducative et lieu de travail..." ; le droit à ce que l’eau "soit économiquement accessible : l’eau et les installations et les services hydrauliques doivent être abordables pour tout le monde. Les coûts directs et indirects et les frais associés à la fourniture de l’eau doivent être raisonnables..." ; et le droit à "la non-discrimination : l’eau et les installations et les services hydrauliques doivent être accessibles à tous, y compris aux secteurs les plus pauvres et les plus marginalisés de la population, selon la loi et dans les faits, sans discrimination".

Le rapport de Ma’an, ’Drainage’, explique que le Droit à l’Eau tel qu’il est décrit dans ce document ne signifie pas que les gens aient le droit d’avoir un accès illimité à de l’eau gratuite ou à l’eau courante, mais il signifie que l’eau et les services liés à l’eau doivent être bons marchés, que l’eau et les installations d’eau doivent se trouver à proximité des habitations et que l’eau doit être utilisée à bon escient. Ce droit n’est pas lié à la race, à l’âge, au sexe, à la religion ni aux opinions politiques... le document stipule aussi que les individus et les communautés peuvent participer aux décisions concernant l’eau et les installations et services sanitaires au niveau locale et national et avoir une influence sur elles".

Voici rapidement quelques faits tirés de ’drainage’ qu’il faut examiner à la lumière du Droit à l’Eau de l’ONU :

En octobre 2009, Amnesty International a noté que "180 000 à 200 000 Palestiniens vivant dans des communautés rurales n’ont pas l’eau courante et même dans les villes et les villages qui sont reliés au réseau de distribution d’eau, il n’ a pas souvent d’eau au robinet."

Selon les travaux de WASH, le mètre cube d’eau acheminé par des camions-citernes privés dans 290 communautés de Cisjordanie a augmenté de 100 à 200% depuis le début de l’intifada.

40% des Palestiniens de la Vallée du Jourdain consomment moins d’eau que la quantité minimale établie par l’Organisation Mondiale de la Santé qui est de 100 litres cubes d’eau par jour.

56 000 Palestiniens de la Vallée du Jourdain consomment environ 37 millions de mètres cubes d’eau par an tandis que 9 400 colons seulement en consomment environ 41.

Les Palestiniens paient l’eau plus cher que leurs homologues en Israël : Mekorot facture le mètre cube d’eau 1,8 shekel aux Israéliens tandis que les Palestiniens le paient environ 2,5 shekels.

Il y a un consensus quasi universel sur le fait qu’il existe dans la Vallée du Jourdain une politique systématique d’oppression et de nettoyage ethnique qui ne concerne pas seulement l’eau mais tous les aspects de la vie des 15 000 Bédouins qui ne sont reliés à aucun système de distribution d ’eau dans les 95% de la Vallée du Jourdain qui sont en zone C. Selon Deeb Abdelghafar de l’Autorité Palestinienne des Eaux "la Vallée du Jourdain est une territoire unique du point de vue israélien. Ils essaient de prendre le contrôle de ce territoire et pour cela ils veulent en chasser les habitants en les privant d’infrastructures hydrauliques adéquates... Ils font tout ce qu’ils pour décourager les habitants de rester ici, ils veulent les faire tous partir."

Des militants comme Fathy Khdirat de Solidarité de la Vallée du Jourdain, un mouvement populaire qui travaille à la construction d’infrastructures pour les Bédouins de la Vallée, sont déterminés à encourager ceux qui vivent sous l’occupations à résister à l’oppression et à demeurer dans leur pays natal. "J’ai passé toute ma vie sous l’Occupation" souligne Fathy " et je veux que mes enfants aient un meilleur avenir. Je suis né ici et je ne me tairai pas."

Ben Lorber


Ben Lorber est un militant américain du mouvement de Solidarité Internationale en Cisjordanie et journaliste du Centre d’Information Alternative de Bethlehem. Il tient un blog : freepaly.wordpress.com. On peut le joindre à : benjaminlorber@gmail.com.

Pour consulter l’original : http://dissidentvoice.org/2011/11/the-palestinian-struggle-f...

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