mercredi 7 décembre 2011

Amandla - Awethu !



« Pouvoir au peuple - Le pouvoir est le nôtre »
. Mes premiers mots zulu appris aujourd’hui à la grande marche pour la justice climatique qui a réuni 10 000 militant-e-s ce midi à Durban. L’émotion était au rendez-vous. Partager ces moments avec des militant-e-s dont la plupart ont fait leurs premières armes dans la lutte contre l’apartheid. Danser avec eux au rythme des chansons zoulou en marchant. Que de souvenirs…

Souvenir d’enfance au travers des films, souvenir de jeunesse au travers des lectures. Souvenir de Sharpeviille 1960, 1985, … Souvenir de cette jeunesse de Soweto sacrifiée en 1976 au rythme de ces mêmes chansons. En ce pays où les plaies de l’apartheid sont à peine cicatrisées, l’héritage de la lutte demeure grand. L’héritage de ces martyrs jeunes qui avaient la foi, la foi en un monde de justice. C’est au nom de cette même justice qu’ils se sont tou-te-s levés pour marcher ce midi. Au nom de la justice et contre les nouveaux apartheids : apartheid social, apartheid économique, apartheid climatique. M’est revenu en mémoire Thomas Sankara, encore et toujours, dans ce discours inoubliable de 1987 : « Il y a crise parce que les peuples partout refusent d’être dans Soweto face à Johannesburg ». Amandla – Awethu ! Ces cris qui ont libéré l’Afrique du Sud de l’apartheid racial pourront-ils nous libérer de l’apartheid climatique. « We are faith »pouvait-on lire sur l’un des panneaux. Oui ! Nous avons la foi, et tant qu’il y aura cette foi il y aura de l’espoir. Le Maghreb nous en a donné l’exemple cette année. Et oui, en Afrique tout reste encore possible tant qu’on a la foi et que l’espoir demeure.

Certes, bien moins nombreux qu’à Copenhague, mais que vaut le nombre face à des militant-e-s convaincus. Même la menace de pluie qui planait ce midi sur Durban ne les a pas dissuadés de répondre à l’appel de la Via Campesina, de la COSATU, de GREENPEACE, des Mouvements LGBT, des mouvements indigènes. Et les messages, tous évocateurs les uns aussi bien que les autres : « No to nuclear energy », « Climate change Kill me »avec la photo d’un enfant. Un de ces enfants morts cette semaine dans la région du Kwazulu Natal où les inondations ont fait six morts. La nature nous rappelle toujours au moment le plus important, mais que de morts encore avant qu’on ne s’en rende compte, la Terre n’a pas de prix. Et pour la première fois dans l’histoire du COP, la présidente des séances Maite Nkoana-Mashabane et la secrétaire exécutive des négociations climat de l’ONU, Christiana Figueres étaient là pour écouter le message des peuples.

Retour à l’ « International Conference Center » de Durban. Autre public, autre ambiance. Le business est en marche. Et dans les affaires il n’y’a pas de sentiments, seuls les intérêts prévalent. Pour la journée, trois ateliers sur l’eau au pavillon Afrique où la BAD, la BEI, l’Union Africaine et tous les chercheurs chantaient les mérites du secteur privé pour trouver des solutions à l’adaptation et à l’atténuation des problèmes hydriques sur le continent. On se demande à quel moment les cris des peuples seront entendus !!! « Make noise for climate justice » demandaient les manifestant-e-s. Nous sommes là, nous portons le débat, nous posons des questions : pas de réponses. Ils parlent de prêts pour lutter contre les inondations là où nous parlons de réparation. Ils mettent l’espoir de possible augmentation de l’aide pour réaliser leur projet là où nous parlons de taxe sur les transactions financières. Un dialogue de sourds mais c’est eux qu’on acclame. Ils ont le pouvoir, l’argent, ils brillent. Dans dix ans, dans vingt ans, ils reconnaîtront leurs erreurs mais le mal sera fait. Les « 99% » en payeront le prix.

Souvenez-vous il y a dix ans dans cette même ville, le même centre, une autre grande conférence avait lieu à l’initiative de Koffi Annan et de Mary Robinson. La célèbre conférence des Nations Unies sur le racisme, la discrimination raciale et toutes les formes d’intolérances. Neuf jours de débats houleux. Les délégués américains et israéliens qui quittent la conférence, l’UE qui refuse de reconnaître l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Un échec inoubliable. Deux jours plus tard ce fut le 11 septembre. Dix ans après, l’histoire se répètera t- elle ? Une seule chose dont nous sommes sûr : tant que nous n’aurons pas mis fin à cet apartheid climatique et que la justice climatique ne sera pas acquise, il y aura toujours ce bruit… « AMANDLA – AWETHU ».

Samir Abi

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