lundi 17 octobre 2011

Nouvelle taxe foncière en Grèce : la population au bord de la crise de nerfs


Sommée par la Troïka de réduire à tout prix sa dette, Athènes vient d’adopter une réforme de la taxe foncière qui devrait rapporter plus de cinq milliards d’euros. Mais la politique d’austérité imposée à la population semble aujourd’hui atteindre ses limites : les annonces de désobéissance civique se multiplient tandis que nombreux sont ceux qui annoncent qu’il ne paieront pas cette taxe. Seul exutoire, le rire, mais il est jaune...


La nouvelle taxe foncière annoncée par le gouvernement va toucher plus de cinq millions de bâtiments et devrait rapporter 5,4 milliards d’euros au gouvernement sur deux ans. Cette réforme a été décidée pour couvrir le déficit encore trop important de l’État, mais elle est très mal reçue par la population. Elle est d’autant moins acceptée qu’elle fait suite aux taxes immobilières mises en place en 2009 et 2010, dont l’Etat grec n’a pas réussi à percevoir l’argent escompté.
Annoncé après trois jours de concertation, le projet de loi final va toucher l’ensemble des propriétés en Grèce. Ce sont encore les retraités, les salariés et les groupes sociaux fragilisés qui sont appelés à en faire les frais. Cet impôt exceptionnel sur les biens immobiliers, payable dès cette année en deux fois, revêt l’apparence de la justice et se base sur un calcul qui dépend de la surface et de la situation géographique du bien.

En théorie, il cherche à prendre sur le fait les spécialistes de la fraude fiscale qui déclarent de faibles revenus alors qu’ils vivent comme Crésus. Mais en pratique, encore une fois, ce sont les mêmes qui vont payer. Car même les propriétaires de biens situés dans des zones considérées comme pauvres paieront de quelques dizaines à quelques centaines d’euros. Dans les zones dites riches, la taxe pourra dépasser les 4.000 euros.

Une loi injuste ?

L’impôt touchera le propriétaire ou celui qui a la jouissance du bien. Dans le cas des locations, il sera payé par le locataire, qui devra s’en acquitter en même temps que sa facture d’électricité. Son montant sera déduit du loyer qu’il doit au propriétaire. Les groupes sociaux « fragiles » paieront une taxe plus basse de 0,5 centimes d’euros par m2 si leur logement se situe dans une zone où le prix du m2 est inférieur à 3.000 euros. Entrent dans cette catégorie les chômeurs indemnisés depuis le 1er janvier 2011, les familles nombreuses, les personnes handicapées.

En revanche, les retraités à faibles revenus et les familles de trois enfants ne figurent pas dans cette catégorie. Par ailleurs, la réduction du montant de cette taxe d’habitation est calculée sur la situation des propriétaires et non des locataires. Ainsi, un propriétaire qui louerait son bien à une personne handicapée aurait à payer la taxe normale, via son locataire, le propriétaire ne souffrant d’aucun handicap.

L’impôt s’applique à tous les bâtiments à usage d’habitation ou commercial qui sont pourvus d’un accès à l’électricité. Y compris les garages fermés, les entrepôts, balcons, et toutes les surfaces qui ont été déclarées et sont enregistrées dans la facture d’électricité. La taxe sera perçue en deux échéances égales, en octobre 2011 et février 2012 pour l’année en cours. En cas de non-paiement de l’impôt, l’électricité sera coupée jusqu’à acquittement de la somme due.

Si le propriétaire refuse de payer et ne demande pas à faire rétablir l’électricité, il sera dans une situation de retard de dettes. Dans ce cas, des mesures contraignantes seront prises, comme la saisie ou la vente aux enchères.

De nombreux appels à la désobéissance civique

Sont exclus de cet impôt tous les lieux d’utilisation publique, que ce soit des bâtiments publics, municipaux ou des établissements philanthropiques, etc. Les lieux de culte et de prière ne seront pas non plus affectés, même si l’Eglise paiera l’impôt pour tous les biens immobiliers qu’elle possède et qu’elle loue à des fins commerciales.

Le Premier ministre et le ministre des Finances se montrent ainsi déterminés à respecter leurs engagements auprès de la Troïka. Ils semblent prêts aussi à prendre d’autres mesures si cela s’avère nécessaire. Malgré la colère et les moqueries que subissent les députés du PASOK, ils ont finalement voté cette loi controversée. S’ils avaient refusé de soutenir le gouvernement, ce dernier aurait dû démissionner, entraînant des élections anticipées lors desquelles les sièges de la moitié d’entre eux sont menacés.

Reste à savoir si cette mesure apportera les revenus que le gouvernement en attend ? Nombreux sont ceux qui disent déjà qu’ils ne paieront pas ce nouvel impôt. Soit parce qu’ils n’en ont pas les moyens, soit par conviction politique. Les partis d’extrême-gauche ont déjà pris les devants : le Parti communiste a déclaré que le non-paiement de cet impôt était un acte légal et SYRIZA a fait savoir qu’il protégerait politiquement ceux qui ne pourraient s’en acquitter faute de revenus suffisants.

Un syndicat de la compagnie d’électricité grecque a affirmé qu’il ne couperait pas le courant à ceux qui n’auraient pas assez d’argent pour payer. Des juristes ont émis des doutes quant à la constitutionnalité de la réforme. Il se crée ainsi un climat qui favorise la désobéissance. Si la mesure échoue en pratique, le gouvernement sera irrémédiablement exposé et ne pourra vraisemblablement pas se maintenir.

Au PASOK l’ambiance est délétère, les Internautes rient jaune

Au sein du parti au pouvoir, l’ambiance est aussi délétère. Un membre important du PASOK a déclaré : « les cadres commencent à flancher. Certains ministres ne croient plus à notre politique, d’autres fonctionnement par mesures expéditives et d’autres encore ne font que de la communication. Le groupe se fissure. » La direction du parti n’est pas tant préoccupée par une défaite aux élections - quand elles auront lieu -, que par la désintégration du parti. « Nous faisons face à une double menace : l’échec du sauvetage du pays et la destruction du PASOK », a jugé de son côté un ministre.

Au gouvernement, beaucoup continuent à penser qu’il est nécessaire de réajuster d’une façon ou d’une autre les conditions des accords conclus parce que la société arrive au bout de ce qu’elle peut supporter, que le groupe parlementaire PASOK risque sa cohésion et que les désaccords sont nombreux au sein du gouvernement.

Parallèlement, l’humour est une nouvelle fois l’antidote contre le choc économique. Le web et les réseaux sociaux sont un lieu d’activité intense contre les nouvelles taxes. Par exemple, des milliers de Grecs appellent via Internet à transformer leurs maisons en églises pour contourner la nouvelle taxe d’habitation. Sur Facebook, de nombreux groupes se sont aussi créés comme « nous ne paierons pas la nouvelle taxe d’habitation sur notre facture d’électricité »ou « nous ne paierons pas l’électricité même s’ils coupent le courant dans toute la Grèce ».

La photo qui a suscité le plus de commentaires est le montage d’un immeuble surmonté… d’une coupole. Ainsi, les internautes commentent-ils à leur façon la décision du gouvernement d’exempter les églises et monastères de la liste des biens à taxer. « Ma maison s’appelle désormais « Sainte église de la Vierge », écrit l’un d’eux. » On peut aussi trouver cette facture fantaisiste : « 18, rue de la Dèche, dans la commune d’Impayé, département Chômage, une facture d’électricité est arrivée avec pour objet : ‘Nous allons vous couper l’électricité’ avec pour destinataire « Un grec ruiné » et comme expéditeur « Palais Maximou ».

Par Eléni Kostarelou, Tassos Papas, Evi Saltou, Pétros Stéfanis

Retrouvez notre dossier :
Grèce : une crise sans fin ? 

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