samedi 24 septembre 2011

La «France à fric» bananière


EST-CE BIEN RAISONNABLE ?


La France, république bananière? C’est ce qui ressort en tout cas des «confessions » de l’avocat franco-libanais Robert Bourgi, l’homme à tout faire, le porteur de valises de la «Françafrique», cette appellation d’origine contrôlée qui désigne les relations souvent inavouables qu’entretient la classe politique française avec ses homologues d’Afrique francophone.


Flashback: au milieu des années nonante, l’enterrement du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny se déroule dans la basilique de Yamoussoukro, son village natal, au cœur du pays baoulé, à quelque 250 kilomètres au nord d’Abidjan. La veille, c’est l’ensemble de la classe politique française, tous partis confondus, qui avait défilé pour s’incliner devant son cercueil.

Aucun ne manquait à l’appel: Mitterrand, Chirac, Giscard d’Estaing, Balladur, Rocard, Barre, Pasqua, Mauroy, Edith Cresson, etc., ils avaient tous fait le voyage de Yamoussoukro. Nous fûmes des dizaines de journalistes à assister à ce spectacle surréaliste, qui ressemblait à l’enterrement d’un Parrain, devant lequel ses pairs venaient s’incliner. Durant deux jours, la France avait été privée de l’ensemble de sa classe politique, délocalisée au cœur de la Côte d’Ivoire profonde, le temps de rendre hommage à celui qui fut l’un des instigateurs et fers de lance de la «Françafrique».

Pour celles et ceux qui suivent de près les turpitudes de la grande famille franco-africaine, ce qui étonne dans les «révélations» de Robert Bourgi, ce n’est pas que des chefs d’Etat africains financent les partis politiques français; cette réalité est connue et documentée depuis des années, notamment par les journalistes d’investigation que sont Pierre Péan, qui vient de publier La République des mallettes, ou Antoine Glaser, ex-rédacteur en chef de la Lettre du Continent.

Non, ce qui étonne, c’est qu’il ne désigne «que» le président sénégalais Abdoulaye Wade, le Burkinabé Blaise Compaoré, le président déchu de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, le Congolais Denis Sassou N’Guesso, et enfin l’inénarrable Omar Bongo du Gabon, reçu en grande pompe à l’Elysée peu après la victoire de Nicolas Sarkozy, et auquel son propre fils a succédé après son décès en 2009.

Et tous les autres, les Eyadema du Togo, Biya du Cameroun, Déby du Tchad, Mobutu de l’ex-Zaïre, qu’ont-ils fait pour être pareillement «oubliés» par Robert Bourgi, eux qui n’ont pas démérité?

Les déclarations de l’avocat qui s’épanche sur tous les plateaux TV fait beaucoup de bruit sur le continent africain. L’opposition burkinabé vient de demander une enquête. Le fait que ce secret de polichinelle, généralement confiné au stade de rumeurs, soit ainsi confirmé par l’un de ses principaux acteurs, indigne, révolte, écœure des gens qui se débattent dans des problèmes quotidiens sans fins, qui croupissent dans une misère sans issue. Quoi, des millions d’euros ou de dollars déversés à jets continus dans les cassettes des partis politiques français alors que sur le continent, le coût de la vie explose, le chômage fait des ravages, l’école et les hôpitaux sont exsangues?

C’est en tout cas l’image de la France qui en prend un sacré coup, accusée de faire le jeu de satrapes infréquentables, qui s’éternisent au pouvoir et font vivre un enfer à leurs compatriotes, tout cela dans le but de préserver leurs propres intérêts. Pour un pays qui se targue d’être la patrie des droits de l’homme et le champion de la promotion de la démocratie dans le monde, disons que c’est pas terrible.

Car que reçoivent donc en échange de la part de la France ces vaillants bailleurs de fonds des campagnes présidentielles françaises? Hé bien, la garantie de ne pas être inquiétés lorsqu’ils massacrent leurs populations, soumettent leur pays à une prédation insensée, s’incrustent au pouvoir pendant des décennies. Cela vaut bien quelques mallettes bourrées de grosses (ou de petites) coupures, ou bien?

Reste à se demander s’il est bien raisonnable qu’au XXIesiècle, la France continue à se comporter d’une manière aussi dégradante, digne d’une véritable république bananière qui ne dit pas son nom.

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