lundi 1 août 2011

Violence d’Etat au summum envers les Rroms

Manifestation en soutien aux Roms et contre la xénophobie


Toutes les tentatives de négociations politiques croupissant pour l’instant au fond d’une impasse, des dizaines de familles continuent de survivre dans la plus grande précarité à Marseille. A la Porte d’Aix comme en d’autres points de la ville, les pluies torrentielles de ce mercredi matin ont causé de considérables dégâts - matériels mais encore physiques et moraux. Au sein des campements à l’éphémérité et au dénuement insoutenables, qu’impose l’action concertée du gouvernement et de ses appendices locaux visant à refouler les Rroms de France, le découragement le dispute à une digne résignation. A la veille de l’anniversaire du « discours de Grenoble », et au lendemain de la publication du rapport alarmiste de Médecins du Monde, les média nationaux s’emparent désormais de la situation marseillaise.

Marseille sous la pluie. C’est loin d’être romantique, ce grain infernal ; celui qui s’est abattu férocement sur la ville hier matin. Surtout quand une demi-douzaine de personnes se serrent, se terrent sous une bâche de deux mètres par trois. Des « toits du pauvre », il y en a plein. Des gens en-dessous aussi. Des nourrissons, des minots. Des femmes, des hommes. Action pour la vie, Artriballes, Rencontres Tsiganes, Médecins du Monde. Moi... Et donc vous, aussi. Socle de la demeure : un matelas détrempé. Murs porteurs : quelques sacs empilés, à peine gonflés par quatre vêtements, trois yaourts. Imbibés d’eau. Les lames lancées par l’orage transpercent l’abri dérisoire et pénètrent les chairs. Tout le monde a « froid ».

Nous sommes Porte d’Aix. Là où trône un triomphal Arc gravé de cette inscription : « A la République, Marseille reconnaissante ». Une marée transparente et verte de bannes enchevêtrées. La République et ses bienfaits, les droits fondamentaux ne sont pas parvenus jusque-là. Un camp de réfugiés - il faut l’appeler camp - en plein cœur de Marseille. La « ville rebelle » a du oublier de se révolter.

Des Rroms - d’ordinaire si désireux de ne pas faire de vagues - ont osé outrepasser l’injonction policière émise un peu plus tôt : « pas de bâches, sauf pour les bébés ». Les autres se mettent à couvert, dans les cafés bordant la place. Un client anonyme propose spontanément de soustraire les enfants à la pluie en les installant au sec dans sa camionnette, le temps que le déluge cesse. Médecins du Monde prend en charge les plus petits, fiévreux.


Dominique Idir (Artiballes) et Framboise (Action pour la vie), militantes de la première heure, s’activent, passent de groupe en groupe. Dans ce climat, des tensions s’exercent. « On est tous très fatigués, énervés », s’excuse une mère de famille. Poussés « à bout », sous-alimentés, les Rroms ne disposent d’aucun échappatoire. Le stress s’accumule, même si la plupart ne laisse rien paraître.

Caroline Godard et Jean-Paul Kopp, de Rencontres Tsiganes, actionnent leurs contacts, espèrent mobiliser « le conseil général ». Devant le refus de la mairie et de la préfecture d’entamer des discussions avec le conseil régional, l’institution départementale apparaît comme la pierre angulaire d’une éventuelle solution, puisque jouissant d’un patrimoine certain. Gérée par une majorité de même bord politique que sa consœur régionale, elle se doit selon les associatifs de débloquer un terrain, un hangar, un gymnase, une caserne, un immeuble. Le début d’un commencement de résolution de crise.

Ses agissements envers les Rroms confèrent à la ville une image de capitale de l’inhumanité - et ce malgré l’ouverture le jour même d’une unité d’hébergement familial d’urgence devant accueilir dix familles - qui attire les rédactions nationales. France 2, France Info, Europe 1,... toutes se penchent désormais sur le cas d’extrême urgence marseillais. Et comme un bon gros scandale se révèle parfois plus opérant que des mois de tractations, des acteurs de terrain croisent les doigts pour que l’affaire arrive aux oreilles du Parlement européen - qui tient déjà la France à l’œil sur la question.
Plus haut sur la pelouse de la Porte d’Aix, trois Tunisiens attendent - après avoir transité par l’île de Lampedusa - que leur situation administrative soit examinée. Ailleurs, dans des accueils de jour ou sur un pas de porte, des SDF. Au loin, des travailleurs modestes, locataires précaires ou propriétaires en sursis, jeunes surdiplômés pôlemploiisés, ou vieux retraités solitaires et méprisés. De l’autre côté de la Méditerranée : des printemps arabes d’éternité ; dans la Corne de l’Afrique : des affamés. Deux humanités s’affrontent à armes inégales. Bancal, le combat diffuse des relents malthusiens et xénophobes qui ne sont pas sans rappeler l’ambiance délétère de la fin des années 30. Sus au pauvre et à l’estranger.

Avec les Rroms, l’Etat français atteint les summums d’une violence institutionnalisée et massive dirigée contre une population sériée par lui. Tandis que les associations ne peuvent et ne veulent pas sortir du cadre légal, quelques voix s’élèvent et s’enquièrent de la possibilité d’un appel collectif à la désobéissance civile. Liberté, Egalité, Fraternité. On peut toujours rêver.

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