lundi 1 août 2011

« Il leur faudrait une bonne guerre »


Dans la série les « marronniers », informations récurrentes candant l’année civile  pour meubler les périodes creuses; il y a désormais les « Ciotti « : à savoir une idée un peu iconoclaste sur le thème de la sécurité destinée à réveiller l’opinion publique et, en tout cas, à susciter une bonne et franche polémique, bien mousseuse. Tout l’art consistant par ailleurs à se ménager des portes de sortie devant les reactions souvent fortes suscitées
Ainsi en 2010 on a eu droit de la part d’Eric Ciotti, délégué UMP à la sécurité, à une proposition de loi sur les parents de jeunes délinquants qu’on projetait question d’envoyer en correctionnelle puis en prison si leur progéniture n’obéissait pas aux injonctions des magistrats. Au passage on introduisait la responsabilité pénal du fait d’autrui dans notre droit. Le projet, d’abord amodié – on ne parlait plus de prison -, a fait long feu.
Aujourd’hui le même propose d’envoyer les jeunes récidivistes, voire les simples reitérants (1) dans des colonies disciplinaires gérées par l’armée plutôt qu’en prison. En déposant sa proposition de loi, avec l’aval du président de la République M. Ciotti concrétise l’une des propositions avancées dans son rapport récent sur l’exécution des peines. La loi sera discutée à l’Assemblée nationale le 10 octobre 2011 pour entrer en application en 2012.
Certes on est dans un certain flou sur le plan juridique. On nous dit que les jeunes devront être volontaires et d’ne autre coté qu’on pratiquera dans le cadre d’une sursis mise à l’épreuve. On nous parle de service citoyen pour ne pas confondre avec le service civique de Martin Hirsch et dans le même temps d’une peine alternative à la prison.
Fixée par le magistrat qui prononcera la peine, la durée de ce service citoyen serait comprise "entre quatre et six mois". La mesure s'imposerait "au jeune condamné" qui, s'il la refuse "devra exécuter une peine d'emprisonnement. "Le choix est clair et exigeant: soit le service citoyen, soit la prison !", avance M. Ciotti.
On nous parle aussi d’encadrement militaire, mais qui serait le fait d’anciens militaires car les forces armées doivent être prioritairement affectées aux opérations militarisées !
Ce n’est pas la première fois que dans l’histoire récente on mobilise des militaires, en active ou pas, pour prendre en charge des délinquants. L’amiral Brac de la Perrière – élu gaulliste - proposait à travers son association Jeunes en Equipes de travail - des Chantiers aux détenus prochainement libérables pour faciliter leur sortie de prison ; il avait accepté d’y accueillir des mineurs ou des jeunes majeurs. Des militaires en disponibilité étaient affectés pour des séjours de quelques mois à l’encadrement des JET qui était certes militarisés mais sans outrance. Il a été mis fin à ce dispositif qui était finalement financé par le ministère de la défense ne 2003. Le bilan était objectivement plutôt positif.
En 1982 le gouvernement Mauroy dans le cadre des opérations d’été en direction des jeunes en difficulté – démarche qui se voulait de prévention de la délinquance - faisait aussi pour partie appel à des centres de formation de l’armée pour se garantir au mieux dans les activités à risque (haute montagne, plongée sous-marine ou pratique de  la moto à grande vitesse) proposées aux jeunes. Là encore le bilan fut positif au regard de l’objectif visé.
Que nous propose-t-on aujourd’hui de nouveau ? C’est moins la technique des militaires ou ex-militaires qui est recherché que leur mode de vie. On attend de la discipline militaire qu’elle restaure le sentiment de respect de l’autorité. On en espère que les jeunes en tireront pour conséquence la nécessité de respecter la loi.
Est-il nécessaire s’engager dans des démonstrations savantes pour dénoncer l’inanité de ce raisonnement. Chacun le sait qui a eu des enfants que l’éducation n’est pas dressage. Il faut petit à petit convaincre le jeune, de ce qu’il tirera profit à respecter certains cadres : un silence relatif pour pouvoir travailler, du temps pour parvenir à un résultat, se coucher à une certaines heure pour etre sur de se lever en fonction du travail prévu, l’expérience des anciens pour faire les siennes, etc ... .
Une nouvelle dans le discours développé on entend mater ces jeunes en les envoyant à l’armée et en leur imposant le respect de l’encadrement militaire. Dans le même temps on parle d’anciens militaires et de la nécessité d’une démarche d’insertion sociale, le volet encadrement passant rapidement au deuxième plan, et on insiste sur l’éloignement et le séjour de rupture. "Encadrés par d'anciens militaires", mais aussi des "enseignants de l'Education nationale, des formateurs", ces jeunes "recevront une triple formation": remise à niveau scolaire, apprentissage d'une activité professionnelle, éducation citoyenne et comportementale et pourront également "effectuer des tâches" de type "travail d'intérêt général".
Elle est destinée à faire réagir et ainsi à cliver le spectre politique pour positionner ses auteurs dans le camp de la sécurité contre leurs adversaires prétendument laxistes parce qu’il refuse ces nouvelles réponses pour inutiles et dangereuses. Et dans le même temps on met sur les tables les conditions pour que ce soit une solution plus modérée qui soit retenue qui s’apparente à ce qui se fait déjà ou s’est déjà fait.
De la pure agitation politique. On passera son temps à fustiger Ciotti qui finalement qui dans un premier temps gagnera avec son camp une réputation de dur et on mettra en place un ertaz de la proposition initiale qui passera mieux auprès de professionnels.
Dans le même temps on continue à véhiculer des idées fausses à la pelle comme celle qui voudrait que la délinquance des jeunes aurait augmente – c’est exact - ces dernières années en oubliant de dire que dans la même période la délinquance des adultes à elle encore plus augmenté donc au final la part de la délinquance des jeunes diminue.
On affirme qu’entre la rue et la prison il n’y a rien en oubliant notamment pour avoir eté crée ces dernières années en sus des équipements existants les 45 Centres éducatifs fermés, les 100 Centres éducatifs renforcés sinon les 6 Etablissements pénitentiaires pour mineurs i présentés comme le fer de lance de la politique lancée à cors et à cris en 2002 par cette majorité qui a débouché au final sur le démantèlement de la justice pénale des mineurs que nous connaissions. Mais tout cela est occulté. Des centaines de millions d’euros dépensés depuis 2002.
Contrairement à ce qu’avance M. Ciotti qui se moque des données objectives on ne part de zéro..
Même la manière de présenter la population qui serait concernée par ces nouvelles dispositions est présenté grossièrement. On parle de 300 mineurs récidivistes par an en France et de quelques milliers de jeunes réitérants, chiffres minorés traduisant une méconnaissance de la réalité de la delinquance juvenile : quand un jeune hors la loi commet un délit il en commet 10 ! Certes ils restent minoritaires à être vraiment inscrit dans la delinquance. C’est bien aux causes de cette séquence de vie qu’il faut s’attaquer.
En vérité une nouvelle fois il faut l’affirmer haut et fort que rien ne justifie aujourd’hui que l’on mette à bat le dispositif de réponse à la délinquance juvénile. En revanche il serait temps de mener une politique de prévention de la primo-délinquance. Et là il ne s’agit pas de faire appel à d’anciens militaires. Silence radio sur ce point de M. Ciotti.
Certes certains jeunes seront plus difficilement insérables dans la société que d’autres. Parfois, on n’y parviendra pas, mais dans 87% des cas un jeune délinquant pendant sa minorité ne le sera plus devenu majeur. Là encore quel démenti à M. Ciotti qui avance que généralement les mineurs délinquants le resteront devenus majeurs. Si tel était le cas avec 210 000 jeunes présentés comme délinquants chaque année nous serions envahis de délinquants majeurs.
Nous disposons d’un arsenal juridique performant ; il faut aujourd’hui donner des moyens aux travailleurs sociaux et aux juges de faire leur travail et pour cela leur donner du temps et pour faire confiance. Les solutions simplistes à des problèmes difficiles n’ont jamais produit ici come ailleurs des résultats inscrits sur la durée ? La caravane des délinquants des USA des années 80 a marqué ses limites
En vérité ces Ciottinades d’été sentent la pré campagne électorale avec sa démagogie et les gros sabots. C’est plus facile rendre le s jeunes responsables de tous les maux de notre société et d’avancer qu’on va les mater que de soutenir qu’il faut du temps et du temps pour faire sa place dans la société à quelqu’un qui à tort ou à raison pense ne pas l’avoir et qui a une estime de soi souvent réduite, qui n’a confiance ni ne lui en quiconque.
Si on tient un discours de raison fondé sur l’expérience on passe pour un faible, un dangereux laxiste. 
 Reste que sur le fond cette idée de mobiliser l’armée chère à M. Ciotti et aussi chez des gens comme Ségolène Royale participe de la même démarche simpliste : l’autorité est la valeur première. Il faut mater les récalcitrants. Il faut leur faire peur - la crainte de la sanction sera la meilleure des préventions avance-t-on pour justifier un droit pénal de sanction à l’acte -; il faut les cadrer, y compris par en faisant preuve d’autorité. Et puis il faut leur inculper quelques valeurs qui leur aurait échappé : l’honneur, patrie, la nation, le drapeau. On vient de voir en Norvège combien ce discours mal digéré pouvait être dangereux.
On néglige l’expérience des professionnels de terrain. Pire, on se défie d’eux : les militaires seraient des meilleurs pédagogues que les travailleur sociaux. On a des raisonnements simplistes fondés sur les reflexes premiers et primaires. On connait les limites des théories comportementalistes qui inspirent M. Ciotti et ses proches. Ils n‘osent pas le dire, mais ils le pensent forts : « Une bonne guerre leur apprendrait à vivre à ces petits cons ! » A ce rythme on en viendra à proposer une section jeunes à la Légion Etrangère !
Bien évidemment on passe à côté de ce que l’on sait de ces jeunes qui sont hors la loi. On commet des erreurs psychologiques de débutants : pas un jeune sur dix acceptera d’aller dans ces centres disciplinaires en alternative à la prison ! Déjà ils refusent les EPM jugés par eux trop exigeants par rapport à la prison classique – la scolarité y est obligatoire pour tous. Il faudra du travail pour les convaincre d’accepter cette orientation et déjà … gagner leur confiance. Mais là commence les difficultés d’entendement de M. Ciotti : de fait ces jeunes sont des personnes et non de vaches parquées dans un champ avec un courant à 5 volts pour les contenir.
Après avoir pilonné sur 10 ans, puis torpillé avec succès en cette année 2011, le droit pénal des mineurs pour le ramener au droit des adultes et en revenir ainsi au XIX° siècle, elle veut nous proposer maintenant les colonies pénitentiaires de jadis pour mater la vermine des banlieues.
Jugulaire, jugulaire ! On peut s’arrêter à la version soft ; on peut aussi voir ressurgir à l’esprit des images noires d’une certaine époque et de certains régimes
Il faut donc vite couper court à ces fausses bonnes initiatives et ne leur laisser aucun espoir de se développer.
 (1)  Un récidiviste est une personne déjà été condamnée dans les 5 ans qui précède ; un réitérant est une personne qui repasse à l’acte avant d’avoir été condamnée

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire