jeudi 28 juillet 2011

I have a cauchemar !

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Bon sang ! Ils ont voté pour moi !! Je suis présidente de la République !!!
Au soir du premier tour, j’avais attendu tranquillement l’heure de l’annonce des résultats, assise en tailleur sur mon balcon, habillée de mon super confortable jean de vingt ans d’âge et d’un tee-shirt devenu informe, mangeant à même la casserole des pâtes à la sauce tomate.
Le glamour et la classe personnifiés, quoi.

Quand le téléphone avait sonné.
Arfff…. pas moyen de bâfrer en paix !!!
C’était V., ma «directrice de campagne», toute affolée, me demandant de venir immédiatement au «QG» :
les journalistes voulaient absolument m’interviewer ; les premiers chiffres me donnaient 30 % des voix, j’étais au second tour.
C’te bonne blague !
Prenant un ton très officiel, j’avais répondu : «Hors de question que je vienne sans une escorte de motards !
» et j’avais raccroché en riant.
Dix minutes plus tard, j’avalais ma dernière bouchée de travers en voyant débarquer une limousine encadrée de quatre motards en bas de chez moi.
Glups ! C’était vrai ?!!???
Et, scrogneugneu, on a vraiment cru que j’exigeais un véhicule officiel et des motards !??!!!
«Messieurs, retournez d’où vous venez, je vais à pied… une demie- heure de marche me permettra de réfléchir.»
«Nous avons ordre de vous emmener.»
«Ben, moi, je ne veux pas monter dans cette voiture… vous allez me mettre en garde-à-vue ? »
C’est vrai quoi, à la fin.
Arrivée devant notre local de campagne, j’avais vu une meute de journalistes, de photographes, de caméras.
Dans un premier temps, personne ne m’avait reconnue et ce n’est que lorsque j’avais réussi à m’approcher des deux copines, V. et V. qui m’avaient aidée tout au long de la campagne (trois, cela aurait été trop : l’exiguïté de notre local ne permettait pas d’être plus nombreux) que tout le monde avait compris.
Ce fut une ruée vers moi et les flash me visaient de partout.
Deux minutes plus tard, une photo surmontée de la légende : «voici la (peut-être) future présidente des français» circulait sur internet, faisant un buzz mondial.
On m’y voyait avec le regard d’une hallucinée (j’étais éblouie par les flash), le bas de mon jean effiloché et le tee-shirt pendouillant (je n’avais pas pris le temps de me changer), le coin des lèvres souillé de sauce tomate (je n’avais pas pensé à me laver les dents et passer de l’eau sur le visage), une ballerine au pied gauche pendant que le pied droit était chaussé d’une tong (je n’étais pas allée jusqu’au bout de mon changement de chaussures), les cheveux en bataille et dressés sur la tête (je m’étais frotté la tête tout au long du chemin en me demandant ce que j’allais faire maintenant, ce que j’allais dire, pourquoi je m’étais aventurée dans cette galère),
La honte totale !!!
Le monde entier était écroulé de rire…… (pfffff)
Dans les jours qui avaient suivi, les experts, les sondeurs, les spécialistes avaient fait leur enquête, leurs analyses, leurs observations :
Les électeurs, écœurés par la campagne nauséabonde, avaient décidé de voter pour les deux candidats derniers en intentions de vote dans les sondages : Clément Wittmann et … moi…. en décidant pour l’un ou l’autre à pile ou face et sans rien dire de leur décision,
Chacun croyait être seul à avoir fait ce choix : ils étaient 60 % !!!!
Clément obtenait 30 % et moi idem,
Une seule voix nous séparait : la mienne puisque j’avais voté pour lui (voter pour moi, faut être cinglé ou inconscient !!! Je n’avais fait campagne que pour parler de ce qui me tient à cœur en concluant la vidéo destinée à être diffusée officiellement par un vibrant «vive l’anarchie ! », normalement rédhibitoire.)
Les autres «grands»candidats faisaient tous à peu près 8 % (UMP, PS, FN, EELV, FG).
Les deux semaines entre les deux tours furent un tourbillon incessant.
Les commentaires des journalistes et des autres candidats, ainsi que de leurs soutiens étaient goguenards, dans le meilleur cas, méprisants et assassins, dans le pire.
Ni Clément, ni moi n’y répondions. C’était tellement bas et mesquin !!!
En ce qui me concerne, j’avais eu droit à :
Elle se vautre dans le luxe : elle a un ordinateur !
Connivence avec la presse internet ? Et une photo me représentait lors d’une manifestation aux côtés du célèbre blogueur SuperNo.
C’est une couguar ! Avec une photo prise lors d’un café-repaire faisant la bise à un des participants d’une vingtaine d’années.
Elle fréquente les grands de ce monde ! Et l’on me voyait derrière le maire de ma ville alors qu’il prononçait un discours lors d’une inauguration.
Retour de la fameuse photo du soir du premier tour avec cette affirmation : «une mise en scène afin de faire populaire. Le jean est une création d’un célèbre couturier, le tee-shirt coûte 4 850 euros»
….. et j’en passe !!!
Le point d’orgue de toute cette agitation fut The débat entre les deux candidats.
Difficile de débattre alors que nous étions sur la même longueur d’onde.
Nous hochions la tête pour exprimer notre accord à chaque fois que l’autre disait quelque chose.
Celui qui parlait dans l’oreillette du journaliste hurlait «Arrange-toi pour qu’ils se battent !» tellement fort que je l’ai entendu.
Le Journaliste (sourire ironique) : «Madame, tiendrez-vous toutes vos promesses de campagne si vous êtes élue ? »
Moi : «Pas difficile… je n’en ai faite qu’une : organiser une assemblée constituante composée de citoyens afin d’élaborer une nouvelle constitution qui permettra, je l’espère, un peu plus de contrôle de élus et des gouvernants par le peuple… et ça, ce serait ma priorité de priorités… mais, pas de souci, c’est Clément qui sera élu, je l’espère.»
Clément : «une nouvelle constitution, c’est aussi dans la liste des vœux des OC»
L’oreillette : «Mais qu’ils se battent ! Nom de dieu ! En attendant, flingue-là !»
J : vous vous sentez près du peuple ?
M : je fais partie du peuple (pov’ pomme)
J : mais ça ne sera plus le cas, si vous êtes élue,
M : Si je suis élue, mon mandat durera le temps qu’une nouvelle constitution se mette en place… je n’aurai pas le temps d’avoir la grosse tête et d’oublier qui je suis : une simple citoyenne. Mais je ne serai pas élue, ce sera Clément qui le sera. Entre lui et moi, je n’hésite pas : je vote pour lui et la majorité des électeurs fera de même.
J (sourire forcé) : Faites des réponses courtes, votre temps de parole est compté.
M : Alors j’offre mon temps de parole à Clément ; il a des choses très intéressantes à dire.
L’oreillette : Mais qu’ils se battent, merde ! Attaque l’autre, maintenant !
J : Monsieur, si vous êtes élu,comment relancerez-vous la croissance ?
C : Tout de suite, les grossièretés !
M : (rire) Avec une catapulte !!!
J : Vous avez donné votre temps de parole, madame… vous revenez déjà sur votre décision ?
C : (rire) Très bonne idée, la catapulte….. pour qu’elle aille loin, très loin, de nous. Mais … Tout dépend de ce que vous entendez par «croissance». Moi, je suis pour celle de l’égalité, de la justice pour tous…. en un mot, celle de l’intelligence. Il est là, le progrès.
M : Bravo !!!
J : ……………………. 
C’est à peu près à partir de ce moment-là que, sans nous être concertés, nous avons dialogué, Clément et moi, sans tenir compte du journaliste.
Qui prendre comme premier ministre ?
M : Si c’est moi qui suis élue, pas de souci, ce sera toi, Clément.
C : Si c’est moi qui suis élu, ce sera toi, alors.
M : Bof… pô envie d’être premier ministre, moi…. (non mais quelle galère ! Quelle galère!)
L’oreillette : «Ma parole ! Ces deux chiffes-molles ne vont jamais se battre… je ne comprends plus rien à la politique, moi.»
On commencera par quoi ? On n’aura pas beaucoup de temps pour faire quelque chose… voyons… le temps de mettre en place l’assemblée constituante et que la nouvelle constitution soit écrite et approuvée par référendum… disons…. une petite année, dix-huit mois maximum.
On pourrait commencer par deux ou trois projets de lois très importantes, à mon sens…
Oui, tant que nous serons pas assez évolués en intelligence, on ne pourra pas vivre en anarchie, les lois sont donc encore indispensables. Ah ! Le jour où les plus forts auront l’intelligence de comprendre qu’il est plus gratifiant de soutenir, protéger les plus faibles plutôt que de les écraser ou de les exploiter… d’autant plus que, parfois, les plus faibles peuvent les aider, eux aussi… Ouais… le lion et le rat..
Une caméra était passée brièvement sur le journaliste, la bouche bée depuis un bon moment et ne se rendant pas compte qu’un filet de bave coulait du coin de ses lèvres.
Vite, elle était revenue sur nous.
Toute loi devrait faire l’objet d’un bilan de ses conséquences au bout d’un an, puis cinq ans, puis dix ans, puis tous les vingt ans afin de les modifier, les nuancer, en fonction des résultats de ce bilan et de l’évolution de la société. Ce devrait être généralisé très vite.
D’ailleurs, si ça pouvait l’être aussi pour la constitution, ce serait une bonne chose.
Et aussi… Tous ceux qui ont accepté un contrat de travail avant la régression des retraites ont signé pour la retraite à 60 ans. La loi sur les retraites est donc une dénonciation unilatérale de ces contrats et c’est illégal. On supprime cette soi-disant réforme pour cette raison.
Et pour ceux qui ont eu un contrat de travail après ? Oh ! Elle est supprimée, elle est supprimée, on ne revient pas là-dessus. Les contrats signés après sont trop peu nombreux, avec tout ce chômage !!!
J : «justement, parlons du chômage ! Qu’allez-vous faire pour le faire baisser ? »
Tiens, il est encore là, lui ?
Le chômage ! Mais il y a tant à faire qu’on n’en entendra plus parler, du chômage.
Faire isoler les habitations.
Installer la géothermie partout où c’est possible ; chauffage gratuit en hiver, climatisation gratuite en été, tout ça sans pollution… on va se gêner !
Dépolluer les sols et en faire des terres cultivables.
Mettre en place de réseaux locaux de distributions de légumes.
Créer des coopératives.
Récupérer tous les composants des voitures mises à la casse
De l’oreillette que le journaliste, excédé, avait posée sur la table, on avait alors entendu : «l’Audimat bat tous les records ! Et ils ne se battent même pas ! Je ne comprends plus rien aux téléspectateurs, moi ! »
J (la voix fluette et ne parvenant plus à l’affermir) : «Et les relations internationales ? La Chine ? Les droits de l’homme ? »
Les droits de l’homme ? Avant de faire la leçon à d’autres pays, nous allons tout faire pour les respecter ici.
Les droits de l’homme peuvent se résumer en une seule prase :
«Nul être humain ne peut être humilié, d’aucune façon, d’aucune manière, dans aucune circonstance, en aucune occasion.»
Un être humain qui ne vit pas dans des conditions décentes est humilié.
Un être humain méprisé pour quelque raison que ce soit est humilié.
Un être humain obligé, par la force physique ou psychologiquement, de faire ce qu’il ne veut pas est humilié.
Un être humain mal informé, désinformé, laissé dans l’ignorance, mal instruit est humilié.
D’ailleurs, l’éducation nationale sera une priorité.
Plus de moyens, plus de personnels.
Pas plus de 19 élèves par classe.
Des formations en CNV à tous les professeurs, les éducateurs pour prévenir la violence.
SOlidarité, REspect, Evolution, voici le triptyque de nos priorités.
SOREV…..
J : «Solidarité ? »
Ce n’est pas un gros mot !!! Des impôts plus justement répartis, déjà.
J (croyant tenir THE argument): «Mais vous ne craignez pas que les riches s’en aillent ? »
Leur fric n’est déjà plus en France depuis belle lurette, ça ne changerait pas grand’chose.
J : «Respect ? »
Oui, respect des autres et de soi-même, respect des plus faibles, des plus pauvres, respect de la nature, respect de l’environnement, respect, quoi… il vous faut un dessin ?
J : «Evolution ? Du pouvoir d’achat ? »
Indécrottable, celui-là !!! Evolution de l’intelligence, du bon sens, dans tous les domaines où nous devrions croître, il y a urgence et y a du boulot !!!
Complètement enthousiasmés et, oubliant que nous étions sur un plateau de télévision, nous nous étions assis sur la table, l’un à côté de l’autre, nous tapant dans le dos, cachant en grande partie à l’œil des caméras le journaliste, épuisé, se frottant le nez d’un air hébété.
Le générique de fin s’attarda sur cette image d’un candidat hilare et d’une candidate à la coiffure hirsute (je me frottais la tête depuis dix bonnes minutes).
Et me voici à l’Elysée !!! Elue présidente de la république avec 50,01 % de voix, 49,99 % pour Clément Wittmann… pfffff… j’ai perdu.
Fichue baraque, l’Elysée… c’est immense ! Bien trop grand pour moi !!!
Mais qu’est-ce-que je suis venue faire dans cette galère ?
Tiens, le téléphone sonne !
Peut-être est-ce Obama qui m’appelle ?
Ah ! Je vais lui dire, moi… petite présidente d’un petit pays, je vais faire bien plus avancer les choses que lui, grand président des grands USA… lui, le soi-disant homme le plus puissant de la planète… même pas fichu de mettre la finance au pas.
Mais où est ce téléphone ? Je ne le vois pas.
Il faut que je le trouve….
Il faut que j’ouvre les yeux…..
Mince ! Ce n’est pas un téléphone, c’est une alarme de voiture, dans la rue, sous les fenêtres…
Oh ! J’étais en train de rêver… de cauchemarder, plutôt.
Mais… ça va pas ? Présidente de la république !!! N’importe quoi !!! Quelle horreur !!!
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Le site à voir :
http://clementwittmann2012.fr/
http://clampins.superno.com/2011/07/i-have-a-cauchemar/
photo : http://flic.kr/p/2iQGiQ

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