mardi 28 juin 2011

RESISTANCE PEDAGOGIQUE



Lettre ouverte à l’inspecteur d’académie de Loire-Atlantique


Je transmets ce texte qui montre qu'il y a des personnes qui ont le courage de résister et pour cela de désobéir.
A leurs risques et périls. Risques qu'ils prennent au nom de leur conscience.
Soutenons-nous nous-mêmes et nos enfants en les soutenant.

L’inspecteur d’académie de Loire-Atlantique a terminé cette année scolaire en me sanctionnant d’un blâme pour avoir résisté à l’injustice professionnelle dans le cadre de la résistance pédagogique qui tente de préserver aujourd’hui les valeurs, les principes et les pratiques d’une Ecole en faveur des jeunes de notre pays, de leur émancipation.


Merci monsieur l’inspecteur d’académie de cette punition intelligente !



L’inspecteur d’académie a conclu cette année en bloquant ma candidature à mon ancien poste de formateur associé à l’IUFM de Nantes et à l’université … sans doute pour empêcher un vilain petit canard d’apporter des grains de sable à une machine de conformation qui poursuit son travail de sape ; …sans aucun doute pour nier la dimension de formation pédagogique à une pédagogie novatrice dont l’Ecole aurait bien besoin pour relever les défis auxquels elle doit s’atteler.

Merci monsieur l’inspecteur d’académie de cette double punition qui donne un sentiment amer de harcèlement moral !



L’inspecteur d’académie de Loire-Atlantique avait commencé l’année en refusant de me voir poursuivre mon rôle de formateur sous prétexte que je ne pouvais exercer ma fonction de directeur d’école à mi-temps (ce que je faisais déjà depuis deux ans !) et pour « ma manière de servir », car je refusais de me plier aux remontées chiffrées des évaluations nationales.

J’ai donc pu exercer à plein temps ma fonction d’enseignant…et de directeur !

Merci monsieur l’inspecteur d’académie !



J’ai donc enfin pu m’occuper des problèmes de chauffage et de tuyauterie de l’école…ce fut en effet l’unique point qui me fut reproché lors de la première audience avec les représentants institutionnels.

Merci monsieur l’inspecteur d’académie et madame l’inspectrice de l’éducation nationale!



J’ai ainsi pu améliorer ma manière de servir en poursuivant ma non remontée des évaluations nationales et en le faisant savoir, ce qui m’a valu encore un retrait de salaire, une non-prime (prime dont je ne voulais surtout pas…) et des menaces de procédure disciplinaire (comme de nombreux autres enseignants résistants) !

Merci monsieur l’inspecteur d’académie !



J’ai aussi pu apprendre de nouveaux métiers, ceux  auxquels on ne pense absolument pas lorsqu’on s’engage dans un métier de l’humain, de l’éducatif ; juriste, tricoteur de textes, explorateur de jurisprudences et de recours, blogueur, expert en médias … mais, surtout, un que je n’oublierai plus jamais, celui de résistant.

Merci monsieur l’inspecteur d’académie !



J’ai pu apprendre grâce à une seconde audience avec mon supérieur hiérarchique ce qu’était l’obéissance du fonctionnaire, l’action d’un serviteur à la noble cause du fonctionnariat servile. Pour cela, j’ai eu droit aux semonces d’usage face aux articles parus dans la presse, aux admonestations acides sur cette résistance pédagogique, aux gronderies menaçantes pour une servilité à retrouver.

Merci monsieur l’inspecteur d’académie pour ces menaces qui m’ont rendu encore plus fort !



J’ai appris que rentrer des élèves dans un fichier numérique centralisé, nominatif, évolutif, partageable était la pire tâche que j’ai jamais eu à exercer dans ma fonction de directeur (ce dont je ne doutais déjà pas avant…). Il faut dire que je n’avais encore jamais vu un inspecteur oser cumuler autant de sanctions sur de pauvres directeurs désobéissants pour une aussi noble tâche. Ce fichier doit donc être extrêmement important pour l’avenir de l’Ecole !?

Merci monsieur l’inspecteur d’académie de prendre autant soin au fichage et à la traçabilité des jeunes

de notre pays !



J’ai appris que subir une sanction dans l’éducation nationale pouvait être un honneur, dans des temps où celle-ci est broyée par des intérêts supérieurs de marchandisation, rentabilisation et évaluationite aigüe.

J’ai appris à comprendre ce que signifiait réellement cette compétence auquel tout le monde fait référence aujourd’hui : agir en fonctionnaire de l’Etat de manière éthique et responsable.

Merci donc monsieur l’inspecteur d’académie !



J’ai appris à ouvrir mon champ restreint d’enseignant pour envisager celui-ci dans une réelle perspective de service public d’éducation en lien avec toutes les résistances passées et actuelles (d’où d’ailleurs le message que je viens de recevoir de Raymond Aubrac, grande figure de la résistance).

A cela, je vous dis merci monsieur l’inspecteur d’académie !



J’ai appris à ne plus rien attendre d’une institution capable du pire aujourd’hui…en espérant retrouver le meilleur ! Je poursuivrai ainsi ma résistance au sein de tous les collectifs susceptibles de remettre un peu de raison et d’humanité dans notre monde éducatif pour enfin donner une chance à tous les jeunes de ce pays d’apprendre et d’accéder à une culture que l’Ecole que vous défendez, monsieur l’inspecteur d’académie, continue à leur refuser.



François Le Ménahèze, juin 2011

http://resistance-lemenaheze.org



Copie adressée aux milliers de signataires du comité de soutien, à Philippe Meirieu, Raymond Aubrac, Alain Refalo, Hubert Montagner, Pierre Frackowiak, André Ouzoulias, Sylvain Grandserre, … aux amis de l’ICEM-pédagogie Freinet, de résistance pédagogique et des citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui.

Copie adressée aux médias, aux syndicats, aux mouvements et associations d’éducation populaire.



Ci-joint le message reçu de Raymond Aubrac



Quelques extraits de messages de soutien





Quel objectif pour quelle rentabilité ? Si les désobéisseurs ne sont pas des "serviteurs serviles", ce sont des enseignants très engagés dans leur métier. F Le Ménahèze a été durant ses 30 années de service reconnu et salué comme tel par l’institution. S’il n’applique pas à la lettre les instructions officielles sur l’évaluation et l’aide personnalisée, il évalue ses élèves et met en place une aide efficace.

C’est dire que les sanctions qui le frappent ne laisseront pas indifférents les enseignants du département. Ces sanctions qui frappent un enseignant estimé pourront être perçues comme une véritable chasse aux sorcières visant la soumission absolue à l’autorité, une conception du métier qui se heurte à l’éthique de la profession. En s’avançant sur ce terrain, l’inspecteur d’académie de Loire

Atlantique prend le risque de relancer le mouvement de résistance et son autorité remise en question, par exemple par des décisions de justice, comme cela est arrivé à ses collègues.

Finissons-en avec les procès en sorcellerie pédagogique

Les citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui





Un mouvement tel que celui de résistance pédagogique est une chance pour la société et la nation. Il nous conduit à réfléchir sur nous-mêmes, et sur le sens de notre vie. En tant que citoyen, universitaire et chercheur dans les domaines du développement, du comportement et des rythmes de l’enfant, et même si je ne suis pas pédagogue, je me permets de vous écrire, Monsieur l’Inspecteur d’académie, que vous n’avez pas le droit, à travers la personne de Monsieur François LE MENAHEZE, d’ignorer un tel mouvement.

Monsieur l’Inspecteur d’académie, vous servez une mauvaise cause. Certains de vos homologues en sont conscients et ont donc décidé d’adopter une attitude beaucoup plus nuancée que la vôtre, voire de ne pas infliger la moindre sanction, malgré la pression de leur Ministère de tutelle (si vous saviez ce qu’ils disent !). En tant que fonctionnaire et en principe garant d’une école de la réussite, votre devoir et votre honneur sont de servir les élèves, les maîtres et l’école dans l’intérêt de chaque personne, et dans l’intérêt également supérieur de la nation. En toute humilité, et avec évidemment le respect qui vous est dû, je vous demande donc de reconsidérer votre position à l’égard de Monsieur François LE

MENAHEZE. Il ne mérite certainement pas l’opprobre dont il est injustement la victime. La nation a besoin de professionnels de sa qualité morale, de ses compétences, de son intelligence... et de son humanisme. Résidant à 30 km du “manoir” de Michel Eyquem de MONTAIGNE, je suis sûr que cet “homme phare” de la littérature, de la philosophie et de la culture humaniste de la FRANCE ne l’aurait pas désavoué.

Hubert MONTAGNER

Docteur ès-Sciences, Professeur des Universités en retraite ancien Directeur de Recherche et de l’Unité “Enfance Inadaptée” à l’INSERM





Le crime de François Le Ménaheze est sans doute là, dans le refus de vendre ce qu’entend lui acheter le pouvoir : sa conscience. Il ne se veut ni au pas, ni aux ordres, ni couché : sa conscience n’est pas à vendre. L’autorité qu’il brave ne lui oppose que des raisons triviales : en tentant de lui extorquer sous un pitoyable alibi pédagogique son consentement à concourir à terme au classement des écoles et au fichage à vie des élèves, elle diffame en lui le vif de ses convictions pédagogiques et républicaines.

En résumé, voilà donc qu’un fonctionnaire d’autorité mobilise toute la puissance du Léviathan administratif contre un homme désarmé pour le briser et faire plier sa conscience. Or, à propos de circonstances de ce type, on doit à Spinoza d’avoir dit exactement ce qu’il faut entendre : « … il est impossible que l’âme d’un homme relève absolument du droit d’un autre homme. Personne ne peut transférer à autrui son droit naturel, c’est-à-dire sa faculté de raisonner librement de toutes choses ; et personne ne peut y être contraint. C’est pourquoi l’on considère qu’un Etat est violent quand il s’en prend aux âmes… ». Ainsi, ce n’est que par violence ou contrainte et donc par déni de justice qu’un droit de résistance peut se voir frappé de sanctions. Celles-ci n’humilient pas seulement celui qui les inflige, elles honorent celui qui les endure.

…»

Jacques Thullier, IEN, Formateur de l’IUFM des Pays de la Loire Isabelle Vinatier, Professeur d’Université, Université de Nantes



Chacun connaît l'importance, tout au long de sa carrière de François Le Ménahèze, de son engagement au service de l'école, tant avec ses élèves, leurs familles, les collègues, qu'avec les étudiants auprès desquels il intervient pour leur plus grand bien. Son travail est unanimement salué, reconnu, et inspire à la fois du respect et d'autres initiatives. Or, on ne peut obtenir pareil résultat qu'avec des agents totalement impliqués, non seulement par leurs actes professionnels, mais également par les valeurs ainsi défendues. Pourtant on voudrait qu'il en change comme de chemise au prétexte que la mode est au retournement de vestes ! On voit bien que ceux qui profèrent pareille exigence ont peu idée de ce qu'est la fidélité aux principes éducatifs fondamentaux que défend et met en oeuvre François Le Ménahèze. Étonnant tout de même dans l'Education nationale, qu'on recrute et forme des cadres auxquels on demande ensuite une obéissance aveugle à des ordres marqués du sceau de l'incompétence et de la méconnaissance. Voilà pourquoi il est urgent d'arrêter cette politique qui fait à la fois si mal et si mal travailler ! Voilà pourquoi il est grand temps que cessent ces sévices et que François Le Ménahèze soit entièrement réhabilité dans l'ensemble des fonctions qu'il occupait jusque là, non seulement dans son intérêt propre, mais plus encore, dans l'intérêt général du service public d'éducation !

Sylvain Grandserre - Maître d'école en Haute-Normandie

Auteur (Prix Louis Cros de l'Académie des Sciences Morales et Politiques)





C’est dans ce contexte que François Le Ménahèze, un enseignant compétent, reconnu, apprécié, un militant pédagogique engagé à l’ICEM Freinet, un formateur recherché, est victime d’un acharnement surprenant dans un pays démocratique comme le nôtre, dans une institution où éducation est synonyme de liberté et d’intelligence. D’abord empêché d’exercer ses fonctions de formateur en IUFM sous des prétextes les plus fallacieux avant que la vérité ne soit dite : les militants pédagogiques engagés dans une transformation émancipatrice, progressiste, démocratique de l’école ne peuvent participer à la formation des maîtres. Considérés comme subversifs, inaptes à la pensée unique, ils sont jetés. Ensuite, la cascade de sanctions, de menaces, de retenues de salaire, de convocations devant des instances disciplinaires où l’on sait que la voix du procureur est déterminante puisque dans la parité, les cadres ont l’obligation de voter comme le chef et que le chef a finalement le pouvoir suprême de condamner seul.



L’attitude de l’inspecteur d’académie de Loire Atlantique est profondément choquante. Interdire à un enseignant reconnu de participer à la formation des maîtres parce qu’il ne s’enferme pas dans une pensée unique, parce qu’il s’autorise à faire réfléchir les élèves et les étudiants, menacer et sanctionner un enseignant compétent, consciencieux, intelligent qui fonde ses choix sur des recherches et sur une réflexion étayées par un mouvement pédagogique comme l’ICEM Freinet, interdire de fait au même d’user de la liberté pédagogique inscrite dans la loi, sont des actes autoritaristes inacceptables pour les démocrates et les amis de l’école. L’attitude des cadres intermédiaires est tout aussi choquante.



il faut réveiller des consciences chloroformées ou  formatées. Des chefs d’établissement, des IA

IPR, des IEN osent exprimer le malaise qui s’installe. Trop peu nombreux encore. Le problème du commandement dans le système éducatif, de la loyauté confondue avec l’obéissance ou la servilité devra être traité demain dans un nouveau projet éducatif démocratique, humain, émancipateur.

Pierre Frackowiak



Inspecteur de l’Education Nationale honoraire

Auteur de nombreux écrits, livres et tribunes, sur l’école





Comment François Le Ménahèze pourrait-il ne pas  apprécier les sanctions à son encontre comme la marque d'une injustice profonde à son égard, lui dont les choix ne lèsent aucunement les enfants mais, au contraire, visent à les respecter et à les protéger ? Seule pèserait alors dans la balance le refus d'obéissance hiérarchique ? Difficile à croire, l'institution sait faire preuve de compréhension et d'interprétation positive à l'égard des personnels quand est reconnue la bonne foi, la compétence et les effets positifs de leur action auprès des enfants ou adultes en formation. Je pense plutôt qu'il s'agit d'un malentendu, lequel devrait pouvoir être levé, sans que personne ne soit lésé.

Jacques Jourdanet, inspecteur honoraire de l’Éducation nationale





L’enseignant que tu es ne rejette pas le principe de l’évaluation des apprentissages des élèves. Ta hiérarchie ne peut pas ignorer les procédures que les équipes de maitres Freinet ont mises au point pour ce faire. …

Tu as assumé ta responsabilité d’éducateur, d’enseignant de l’école publique et de citoyen. Au total, qui, dans cette affaire, incarne vraiment cette éthique de la  responsabilité, celle qui devrait animer tout fonctionnaire de la République : toi qui as agi au nom de l’intérêt des enfants, de la vérité et de la sincérité ou ceux qui ont demandé à ton inspecteur d’Académie de te sanctionner ? Qui incarne le modèle éducatif de la République et les valeurs qui la fondent ?

On s’étonne, mais on s’indigne aussi : l’administration actuelle semble vouloir terroriser

André Ouzoulias,

Professeur agrégé de philosophie à l’IUFM de Versailles

Université de Cergy-Pontoise (UCP)



Les textes dans leur entier sont sur le blog : http://resistance-lemenaheze.org

Les messages de soutien sont sur le blog avec le comité de soutien toujours ouvert.


http://blogs.mediapart.fr/blog/watayaga/270611/resistance-pedagogique-lettre-ouverte-l-inspecteur-d-academie-de-loire-a-0

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